Première de couverture

De mon coin de table, je n'hésitai pas une seconde avant de jeter mon plus beau regard noir à ces deux intrus en puissance. C'était qu'être concierge dans une école de l'envergure de Poudlard a quelques avantages, mes jeunes amis. Le troisième, et non des moindres, était une poussée d'autorité comme je ne m'en étais jamais connu. Les airs cyniques, les regards méprisants et les "va-te-faire-voir-ailleurs-si-j'y-suis" était mes armes de prédilection ! Je les réussissais à merveille. Devant moi, la foule des élèves se fendait telle la mer Rouge. Ah ah ! Vous faites moins les malins, désormais !
Pas étonnant que les deux fans à moitié benêts aient déguerpi si vite ! Personne n'osait se frotter à James Gardens, une fois qu'on avait goutté à son autorité sauvage !

Venait ensuite un autre problème. Léger. Quoi que vexant. Je n'en montrai rien, bien évidemment. Il n'y avait que les imbéciles pour montrer au grand jour le fond de leur pensée. Je souriais donc de plus belle et émis un geste blasé :

- Oui, oui, si vous voulez.

Ma phrase ne répondait qu'à moitié à sa question. Qu'elle n'aille pas croire que j'étais pendu à ses lèvres pour boire le moindre de ses mots. De l'indifférence, de la distance : voilà les armes véritables des séducteurs invétérés dans mon genre !

Du coin de l'œil, je captais un mouvement, à l'entrée du pub. Une silhouette bien connue, quoi qu'un peu en avance, ce qui, je l’admettais, tombait plutôt bien. Pour une fois.

- Mon assistant ? Tout le monde l'appelle Ritchie ! Il est formidable !

Ledit Ritchie, un grand blond aux allures de félin, briseur de cœur, comme son père, s'approchait de notre table avec nonchalance. Irrésistible, viril et parfait... Tel père tel fils.

- Tenez, le voici !, lançai-je en désignant du doigt Richard Gardens, mon fils à moi et ma première fierté. Mademoiselle, permettez-moi de vous présenter mon assistant, Ritchie.



Richard était l'intelligence, le charme et la grâce faite homme. Il s'inclina galamment, sans même tiquer d'être soudain promu au rang d'assistant et servit à la demoiselle un baise-main dans la plus grande tradition ! En voilà un garçon bien élevé par son père. Tout moi à son âge !
Ritchie s'attira une chose pour nous rejoindre, qu'il colla à celle de miss Moreva et, m'ignorant royalement, entreprit de lui faire la conversation.

Décidément le magasin d'en face me faisait de l’œil de plus en plus. Et je voyais la clientèle féminine qui s'y pressait de plus en plus, comme pour me tenter d'autant plus. Je me mordis les lèvres avec une indicible frustration, je devais couper court à cette discussion des plus triviales. Non, pas que James Gardens soit d'une désagréable compagnie, mais il restait un fieffé menteur ! Je croyais toujours moyennement au fait qu'il possédait un Assistant ...
Comment un homme comme lui pouvait être le patron d'un pauvre ère ? Décidément, j'étais convaincue du contraire. Alors que mes chances de voir l'ensemble d'en face gagner un jour ma garde-robe, s'amoindrir, je vis rentrer une tierce personne. N'écoutant qu'à moitié mon "comparse", je pus y déceler un terme qui me fit sourire, du moins en apparence. Son Assistant venait de faire son entrée.

Ben voyons. Il avait dû soudoyer un pauvre jeune homme à l'autre Pub du coin de la rue.

Le dit Assistant se prénommait Ritchie, je me tus sur le sujet. Non sans toujours sourire, mon sens inné du commerce encore. Et j'étais polie aussi, cela aidait toujours dans les soirées mondaines. On ne savait jamais sur qui on pouvait tomber. C'était bien comme cela, que j'avais pu extirper quelques milliers de Gallions à un sorcier fort connu ... Tout cela, parce que j'étais belle comme un ange, et polie. Et peut-être un peu manipulatrice aussi ... Là aussi, cela pouvait aider.

- Enchanté Ritchie. Alors comme cela vous êtes l'Assistant de Mister Gardens ? Parlez-moi un peu de lui, si cela ne vous dérange pas, bien entendu. Sourire enjôleur enrobé d'une pointe de sarcasme. On ne me changeait pas si facilement.

Le Ritchie était vraiment poli. Je répondis à son baise-main par un hochement de tête et un demi-sourire. J'avais pour habitude de me faire désirer et voir mon acolyte commencer à bouillir de rage, me faisait évidemment plaisir.

- Et vous Ritchie, parlez-moi un peu de vous.

Nouvelle moue, nouveaux battements de cils. Que les hommes sont idiots. Et cet ensemble qui me torture de plus en plus ...

* Mon Ritchie, il était l'heure de faire la fierté de ton père. *

Fort heureusement, il y avait entre mon fils et moi un courrant de compréhension qui dépassait les plus grandes magies du monde. Ah ! Ces crétins du Ministère auraient bien fait de se pencher sur notre cas plutôt que de batailler sans cesse sur de nouveaux sortilèges toujours plus beaux, toujours plus puissants.
Un seul regard suffisait à nous comprendre et je vis briller dans l'œil de Ritchie le reflet de l'intelligence de son père préféré. Moi.

Mon Ritchie éclata d'un grand sourire à faire pâlir le soleil lui-même et s'exécuta galamment :

- Parler de Mister Gardens ?, demana-t-il, un rire dans la voix, tout en accentuant les mots "Mister" et "Gardens".

C'était qu'il s'amusait, le bougre !

- Laissez-moi d'abord vous offrir un verre, belle dame !

D'un geste d'une classe telle que je m'en reconnus comme l'auteur, il héla un serveur qui s'approcha négligemment pour prendre sa commande.

- Je pourrais vous parler des heures, de lui, de moi...

Je n'attendais que ça. Rien de tel que le fils de son père pour dresser un portrait flatteur de moi. Le sourire aux lèvres, j'attendais les premières envolées, qui, je n'en doutais pas, ne tarderaient pas à faire tomber la miss dans mes bras grands ouverts.
Oh, bien sûr, j'affectais toujours une indifférence glaciale. Jouer du chaud et du froid, il n'y avait que ça de vrai. Mais, du coin de l'œil et du bout de l'oreille, je guettais les éloges de mon Ritchie.

- Mais honnêtement, pourquoi perdre tout ce temps alors qu'on pourrait simplement parler de vous ?

Le fieffé coquin ! L'infâme goujat ! Le petit freluquet !
Foi de Gardens, il essayait de me voler ma conquête, à moi, son père, celui qui lui avait tout appris ! Quel chenapan !

Et moi qui ne pouvais rien faire sous peine de faire voler en éclat ma couverture ! Ah, il ne perdait rien pour attendre, le petit gredin ! Rirait bien qui rirait le dernier quand il serait privé d'argent de poche, de balai, de sortie et consigné dans sa chambre...