[Merlin's tales] Les nimbes obscures

Alors que le dos de Natacha s'éloignait, je fis mon possible pour ne pas me laisser contaminer par la déception et, oui, la rancœur d'Alice dans le creux de mon bras. Elle ne comprenait pas ce revirement et j'avoue que moi non plus*. Ou peut-être qu'un spectateur extérieur aurait été à même de comprendre la fin de ce synopsis, mais, en plein dedans, j'avais du mal à avoir assez de recul pour analyser la situation de manière pertinente et sensée.
J'avais craint je ne savais quoi (et, apparemment, Alice avait partagé mon sentiment) qui s'avérait faux puisque la jeune femme n'avait pas insisté. Je cherchais en vain à mettre le doigt sur ce que j'avais fait de travers pour avoir droit à une telle sortie. Bon, selon toutes les évidences, je m'étais planté quant aux sous-entendus de la question qu'elle m'avait posé, mais de là à s'esquiver sans explication, il fallait que j'ai fait un sacré faux pas. Ou alors, je ne connaissais pas Natacha. Pas ou mal. Peut-être mal. Après tout, nos vies ne s'étaient croisées qu'à peu de reprises et je n'étais pas exactement du genre inquisiteur ou extraverti. Pour prétendre connaître quelqu'un sans doute fallait-il plus de temps.

Pour chasser la boule d'incompréhension qui m'obstruait bizarrement la gorge, je haussais à nouveau des épaules. Cela allait sans doute devenir mon tic face aux situations qui m'échappaient. Un mouvement d'épaules pour chasser les petites bizarreries de l'existence.

Dans mes bras, Alice se tendait et je sentais venir la crise de larmes à plein nez. Oh, la petite fille ne se répandait pas en gémissements interminables comme une gamine de son âge mais vous filait le blues rien qu'à lui jeter un regard. Tout en silence, ses yeux se brouillaient et il était difficile de ne pas éprouver un pincement de culpabilité à la regarder. D'ordinaire, j'essayais de lui expliquer les choses du mieux que je pouvais car ma voix semblait la calmer. Parfois. Ou bien comprenait-elle vraiment ce que je lui disais. Je n'étais pas sûr de l'option que je préférais sans qu'elle m'inquiète.

- Ne grandis pas trop vite, Alice.

C'était presque une prière que je lui adressais. Il me semblait qu'enfant, le monde était beaucoup plus simple. Etaient- ce les adultes qui tentaient de nous en protéger ou bien nous qui n'étions pas à même d'en percevoir la complexité?

- Qu'avons-nous bien pu faire de travers?

C'était plus fort que moi, j'étais persuadé que quelque chose, dans ce que j'avais fait, dit (ou, plutôt, pas dit) avait froissé Natacha. Mais pourquoi ne pas affiner sa question? Je n'étais pas Merlin, je ne pouvais pas deviner où elle voulait en venir.

- Tu crois qu'on devrait aller la voir pour s'excuser?

Je n'étais pas très friand d'excuses. D'autant plus quand je ne comprenais pas mes torts.
La moue sur le visage d'Alice me la disait formelle: pas d'excuses. Nous n'avions rien fait de mal.
Malgré tout, je pris la résolution de la recontacter, dans quelques temps.
D'ici là, j'aurais peut-être percé ce mystère. Et trouvé une réponse à la question qu'elle avait tenté de me poser.

THE END