Si tu t’en vas, Seth Cullen, je te maudis ! hurle Yseult. Seth n’est pas bien loin. Ce n’est pas la peine de hurler mais la phrase est sortie comme ça, sous la forme d’un cri gibbeux monté depuis le fin fond de ses tripes. C’est une menace qu’elle tiendra s’il ose une fois encore lui montrer le dos. Depuis qu’il s’est écarté d’elle, elle se languie de son contact. Elle est incandescente. Elle ne comprend rien à ce qui vient de se passer.
Qu’elle parte Laura ! Demain elle ne se souviendrait même plus de sa soirée ! Seules les vidéos honteuses tournées avec les téléphones et balancées sur Youtube et Facebook lui remettront vaguement quelques évènements en tête. Qu’il crève dans les hortensias défraichis de sa mère, Owen ! Dès le printemps sa famille aura dépensé des sommes folles dans le réaménagement de leur jardin, comme chaque année, pour l’esbroufe auprès des voisins. Qu’ils se tirent et que le monde s’arrête ou continue de tourner. Ca ne compte plus maintenant.
Dès que la voiture est partie, Yseult se tourne vers Seth. Il s’en va ? Il s’en va l’ordure ? Il n’a pas le droit de partir sans explication. Il n’a pas de droit de la mettre dans cet état de l’abandonner ! Yseult veut comprendre comment elle a été terrassée avec une telle fulgurance. Elle veut comprendre et surtout le revivre. Le contact de sa bouche avec la sienne a créé une addiction instantanée. Un courant électrique l’a traversé. Le corps de Seth contre le sien a été conducteur d’un choc thermique sans précédant. Comme s’il avait été une flaque d’eau parcouru par le Désir et que, pauvre humaine qui se frotte au courant, elle s’était faite électrocutée aux premières secondes du contact labial. Alors elle s’est sentie puissante, illuminée, éternelle, nouvelle mais aussi soumise et ductile à l’infini. Son âme est devenue une étendue immense dont chaque particule contenait tout à coup du Seth Cullen à en faire exploser ses atomes.
Il faisait soudain très froid dans cette rue déserte où le bruit de la fête tambourinait sans discontinuer aux carreaux de la villa d'Owen. Le corps de Seth était anormalement duveteux et solide en même temps. C'était comme si sa main l’avait traversé pour aller caresser les tréfonds de son âme. Elle s’était sentie ivre dès l’approche de sa bouche. Comme une droguée en cours de sevrage, elle voulait une autre dose. Ca la rendait presque agressive et le comportement du jeune garçon l'exaspérait.
Il est traversé par de violents cas de conscience, se dit-elle en l’observant sévèrement. D’où viennent ses tergiversations ? A-t-il peur de moi ou de lui ? Qu’y a-t-il de mal à désirer quelqu’un ?
On est jeune, on s’en fout ! On n’a pas de conscience quand on est ado.
Yseult est furieuse et ce n’est pas juste un caprice. Elle refoule sa fureur parce qu'elle a le sentiment qu'à craquer la première, elle sera toujours la seule des deux à craquer... garder pour soi était encore la meilleure technique pour ferrer l'oiseau. Refouler et l’observe encore et encore. Que voulait-il qu’elle voit un peu plus tôt ? se demande-t-elle impatiente. Ca l’énerve, elle ne voit rien. Il est à deux mètres et elle ne voit rien. Rien qui ne lui déplaise ou l'avertisse en tout cas. Comme elle ne voit rien (et elle n'est même pas sûre que ce qu'elle doit voir c'est avec les yeux qu'il faut le voir), elle décide de s'approcher de lui d’un pas lent de peur de le faire reculer. Sa fureur doit se calmer. Elle doit la mettre au placard. Aussi avance-t-elle en le dévisageant, les sourcils froncés pour mieux le scruter, mais allégée de sa rage sourde, de sa frustration.
Dieu qu’il est beau ce garçon ! Difficile de se concentrer. La sensation inaltérable de son baiser lui brûle toujours les lèvres malgré la fraicheur inhumaine du garçon. Le souvenir de la caresse appliquée sur son sein lui donne des fourmis dans le bas ventre. Plus elle pense à cette main échouée contre son corps et au résultat si inattendu de sa peau contre elle, plus l'envie de plus la tourmente. Elle est secouée par le désir violent de lui abandonner son corps. Il l’a hypnotisé et elle accepte cette perte de contrôle... Pourquoi pas lui ?
Avançant encore, elle regarde les traits de son visage. Les reflets adamantins de la lune sur sa peau d’argent. Il brille comme un diamant qui vient d’être taillé. Il a la beauté de l'éternité... l’éternité.
Emmène-moi avec toi, dit-elle en lui souriant sans conviction tout en continuant de chercher en lui ce qu'elle est supposée voir. Elle ne voit rien, il l'aveugle. Il la transit et elle se trouve idiotement soumise à tout ce qui émane de ce garçon. Elle pense, elle se repasse le film de la soirée.
La froideur... la force... tout a l'air si facile pour lui... son élégance et la finesse naturelle de ses mouvements... sa vitesse de déplacement... le sentiment perpétuel d’un combat entre le bien et le mal... sa peau de lune... sa beauté irréelle...
Qui est-il Seth Cullen ?
Enfin ! Enfin l’image apparaît-elle fugitivement et ose-t-elle à peine rester en tête de ses hypothèses. Une image qu’elle a vue sur Internet d’un homme au teint désespérément blanc et aux yeux rouges comme le sang. Dans l'article du blog, elle se souvient d'une déferlante de mots crus, démesurés et agressifs pour parler d'eux. Une de ces créatures maléfiques apparues avec les sorciers. "Maléfique" est aussi le mot employé par ses parents mais Yseult ne l’a jamais entendu de cette manière. L'Extraordinaire n'est pas plus maléfique que le publicitaire diabolique qui essaye de nous vendre à tout prix des yaourts au bifidus actif !
Et si je me trompais ? Et si mon imagination essayait de combler ce que je ne comprends pas et n'accepte pas par ce qui m'arrangerait de comprendre ? Serait-ce insultant pour un humain de se faire traiter de vampire ? se demande-t-elle alors que les deux mètres qui la séparent de Seth lui semblent infinis. En tout cas, le mot est lâché. "Vampire".
Mon premier vampire...? Se pourrait-il que Seth...
Comment avons-nous fait pour nous retrouver contre le mur de la villa ? s’interroge-t-elle. Elle avait les yeux fermés, se rappelle-t-elle. Elle s’est seulement sentie flotter. La bouche de Seth accaparait tous ses sens et son cerveau fonctionnait à défaut d’oxygène. Mais maintenant qu’elle avait recouvré ses esprits...
Qui est-il ?
Les Cullen sont si bizarres...
Seth est le plus jeune des deux frères... mais... mais... n’avait-il pas quelques années de plus ? Japhet... ?
Tout à coup l’histoire lui paraît incohérente. Les racontars de son enfance à Carlisle refont surface. Dans l’ordre, il y a Liam, Seth et Japhet. Comment Seth peut avoir le même âge que moi s'il est plus vieux que Japhet... si Japhet est plus vieille que moi de plusieurs années ?
Qui es-tu, Seth Cullen ?
Yseult avance toujours et cela jusqu’à se retrouver blottie dans les bras de Seth. Elle passe ses mains sur ses flancs, colle sa joue contre sa poitrine et écoute battre... le vide.
Le sien, de cœur, bat deux fois plus vite mais elle ne dit rien pour l’instant. Elle se tait, elle savoure. Elle devrait avoir peur, elle devrait crier et s’enfuir. Elle devrait le dénoncer aux autorités comme lui a conseillé de faire sa mère, paranoïaque depuis l’avènement des créatures magiques... elle devrait être sage mais Yseult n'est ps sage. Yseult est curieuse.
L’oreille contre sa poitrine silencieuse où elle n’entend pas de cœur battre. C'est étrange et reposant ce silence. Elle sourit et le serre encore plus fort. Inconsciente du danger. Incapable d’imaginer le garçon si sensuel qui lui faisait tourner les sens il y a cinq minutes encore en train de la dépecer ou de la vider de son sang.
Qui es-tu, Seth Cullen ?
Un vampire, affirme finalement son intuition.
Je n’ai pas peur, murmure-t-elle le visage enfoncé dans la chemise de Seth. Ses mains se rétractent, se retirent doucement de son dos où elle sent la perfection du tracé de chaque muscle. Elle les fait passer sur ses flancs froids. Elle attrape sa chemise des deux côtés pour bien la saisir malgré qu’elle comprenne désormais que, s’il le voulait, il ne lui faudrait presque rien pour l’envoyer gicler à l’autre bout du jardin. Elle s’écarte doucement tout en gardant sa prise sur sa chemise et elle se hisse sur la pointe des pieds pour presser doucement ses lèvres entre les siennes.
Je suis désolée... je n’avais pas compris... murmure-t-elle encore près de sa bouche qu’elle a du mal à abandonner. Je n'ai pas compris tout de suite... Je te vois maintenant.
Elle se sent bêtement soulagée de réaliser qu’il est un vampire. Ce n’est pas elle qu’il fuit, c’est son sang probablement. C’est la tentation de lui faire du mal. Dans la façon dont il l’a embrassé, reconnaît-elle flattée, il y avait du désir... il voulait de moi, pas seulement de mon sang, essaye-t-elle de se persuader. Je veux lui donner les deux.
...et je te comprends, Seth Cullen du clan Cullen.
Et je ne fuirai pas.
Alors est-ce que tu veux bien me croire quand je te dis que tu me plais et que je veux que tu m’emmènes dans un ailleurs où tu te permets d’être toi-même ? Si tu as soif... de... quoi...q-que ce...soit, barbote-t-elle timidement dans les mots tout en posant machinalement sa main contre son cou, je n’ai pas peur pourvu que tu me laisses en vie.
Mais ne me repousse pas si tu veux être avec moi.
fin et to be continued.
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Sam 23 Avr - 21:03:28