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 La théorie des contraires

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3 participants
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AuteurMessage
Mélusine McEwan
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Mélusine McEwan


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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeJeu 14 Avr - 20:47:25


Mélusine était insubmersible.
Le Titanic aussi.





C'était coloré. C'était chaud. C'était la Thaïlande.
Ce fut blanc. Ce fut froid. Ce fut l'Île White.
Entre les deux, l'espace-temps en perdait le Nord. Des centaines de kilomètres en moins d'une demi-seconde et la vitesse de la lumière pouvait aller se rhabiller.
La demi-seconde, pas plus que l'air glaciaire, brutal et mordant, ne ralentirent le rythme de ses pensées.

*Il a des problèmes.*

*Et je suppose que tu es la quatrième clé, Le Miroir.*

*Miroir! Comment pourrais-tu réfléchir si tu refuses d’être vu?*

On pense.... que cette « lumière » est le résultat d’une « fusion ». Comment obtenir cette lumière et comment procéder à cette fusion... je n’en sais rien...

*Prison d’Etat de... de l’Ile White. Shawn Page... chantage. Opposition... Antarès l’attend...*

'Jonathan Mateo s'est fait planté et s'est consolé dans tes propres bras.
Deneb Kaïtos a perdu la vie pour un match de Quidditch.
Orian Coolwater fait partie des premières victimes d'Antarès.
Josaëlle Flemming leur tient compagnie dans l'au-delà.
James Alhambra gît, loin de tout et loin de toi, à Ste Mangouste.
Amba a disparu de la circulation. Parti sans laisser d'adresse.
Charlotte de Lansley...'


Leonhart.

'Charlotte De Lansley est très en vie. Très enceinte. Très aimée. Et entend bien le rester.'

Cherchez l'erreur.
Et les voix de reprendre de plus belle, toutes en chœur.

'Prison d'Etat d'Orian Coolwater, parti sans laisser d'adresse. Comment pourrais-tu réfléchir de Lansley, loin de tout et loin de toi? On pense qu'il a des problèmes. Comment obtenir cette lumière si tu refuses d'être vue? On pense que Shawn Page a perdu la vie dans tes propres bras. Mel... Île de White. A côté de toi, je fais n'importe quoi... Puissent-elles brûler en Myr avec Antarès! Et c'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui. Antarès l'attend...'


"Fermez-la!"

C'était la version polie, qui se répercuta dans le néant.

'Antarès l'attend.'

Puis ce fut le silence, au sein même de sa propre tête. Ce fut tellement brutal qu'elle s'en retrouva un instant désorientée. Rien qu'un instant. Au devant d'elle, des kilomètres de neige monochrome avec à peine quelques pingouins pour faire tache. Quoi qu'il en soit, ça n'était pas vingt-quatre kilomètres qui allaient l'empêcher de le retrouver ou qui pourraient ne serait-ce que la retarder. Les doigts rendus déjà gourds par le froid, elle farfouilla dans son sac qui était définitivement le meilleur fourre-tout de la planète. Elle se souvenait y avoir glissé... Oui! Le voilà! Le capuchon du feutre moldu vola et elle le laissa rouler et se confondre avec les flocons amassés à ses pieds. Sous le tracé du stylo, quelques lettres se dessinèrent sur son front, à l'encre noire:
S acha de Lan sley. Le feutre sans tête réintégra le confort relatif de son sac dont Mélusine extirpa ...

"Onzo?"

La petite chauve-souris rechigna, la griffant au passage pour tenter de se pelotonner le plus loin possible des températures polaires, tout contre son désormais ami Piccolo, qui était du voyage, lui aussi.

"Gorgonzola, je t'en prie..."

Il fallait qu'il choisisse précisément ce moment pour faire sa mauvaise tête. Le pire étant qu'elle le comprenait parfaitement. Aurait-elle été au fond d'un sac douillet, quoiqu'un peu écrasée contre le bric-à-brac qui y régnait en maître, qu'elle aurait, elle aussi, tout tentée pour restée blottie dans une chaleur relative. Enfin, en admettant que l'image du capitaine ne flotte pas dans sa tête, tourbillonnant au milieu des paroles d'Oma. En admettant.
Avec une épingle qui traînait dans les parages, elle s'entailla la chair du pouce jusqu'à en faire perler un peu de sang qu'elle offrit à l'animal. Un prêté pour un rendu. Pendant qu'il se régalait de son hémoglobine, la jeune femme pointa sa baguette sur lui. Sortilège d'Engorgement. Une fois. Deux fois. Trois fois. Jusqu'à ce qu'il atteigne quelques quatre mètres d'envergure et que les petites canines plantées dans son doigt lui fassent l'effet de deux couteaux aiguisés et tranchants. Gorgonzola chuta brutalement et sans grâce, dans une gerbe de poudreuse virginale. Il battit des ailes jusqu'à ce que sa gaucherie se transforme en une élégance sauvage.


"Onzo... tu connais ton destinataire."

Il avait été le messager de chacune de ses missives.
Elle lui indiqua brièvement son front, paré de lettres bancales.
Est-ce que ces drôles de coursiers auxquels recourraient les sorciers étaient réellement si intelligents qu'ils en devenaient capables de déchiffrer nom et adresse de leur mission ou bien était-ce une sorte de tradition ancienne qui perdurait? Au fond... qu'importait?
Toujours était-il que sa chauve-souris soupira (si, si!), décolla de deux mètres pour redescendre la prendre entre ses pattes griffues. Les épaules à moitié broyées, Mélusne n'opposa aucune r
ésistance. Dans le ciel, se détachant de la blancheur de la banquise, une drôle de silhouette, toute en ailes puissantes et en cape virevoltante, survola l'Île White. Le vent glacial lui cinglait le visage mais elle refusait de fermer les yeux. Son moyen de transport et sa méthode de recherche étaient peut-être loin d'être orthodoxes mais ils étaient efficaces. Pas de temps à perdre. Elle avait tout simplement adopté la première idée qui lui était passée par la tête et, comme souvent, ses coups de têtes n'étaient pas dénués d'un bon sens étrange.

Là! Plus bas! Il y avait...
La chauve-souris géante entama sa descente sans attendre et la déposa un peu brusquement. Le temps pour Mélusine de retrouver un semblant d'équilibre et elle avait rejoint le capitaine. Et tant pis si elle donnait plus l'impression de ramper que d'avaler les mètres par de gracieux sauts de gazelle. Ramper était plus efficient. Le capitaine... il ne tremblait pas. Il avait juste l'air de dormir. Un sommeil éternel. Une éternelle syncope. Presque. Il manquait le teint clair et sain au tableau. Entre le rouge du sang et le bleu du froid, il présentait tout un camaïeux de nuances intéressantes qui la firent pâlir. Paniquer. Elle s'était attendue à le retrouver... debout, baguette à la main, engagé dans un duel mortel. En pleine action. Ca ne collait pas. Le portrait qu'elle avait de lui était toujours plein de force et de vie. Au lieu de ça...
Comme une gamine, elle aurait voulu crier que oui, elle était le Miroir. Qu'elle croyait en la Prophétie, dans les Iccams et dans tous les Dyodes de la création. Qu'elle voulait bien être ce que l'on attendait d'elle quitte à nier ce qu'elle était vraiment pour éviter que son univers ne s'effondre. Pour que le corps qui gisait là, sur l'Île de White, soit encore du bon côté qui séparait l'organisme vivant d'une dépouille.
Elle avança une main tremblante jusqu'à sa joue. Ses propres doigts, insensibilisés par le froid, lui parurent pourtant tièdes contre sa peau glacée. Ses doigts glissèrent le long de la mâchoire, en une caresse maladroite vers sa gorge, en quête de sa jugulaire. Envie de rire, et de pleurer, tout à la fois: son pouls battait faiblement mais il battait. Son souffle se condensait en une frêle buée à la lisière de sa bouche. Comment pouvait-on être en si mauvais état et être encore en vie?

Il fallait qu'elle... Elle ne pouvait pas... Il n'était pas en état de transplaner. Et elle n'avait pas le temps d'hésiter. De tergiverser.

A genoux dans la neige, incapable de le lâcher, elle faisait de son corps un maigre rempart contre le blizzard qui se levait.

Dans sa tête, elle explorait le champ des possibles. Qui avait soudain des airs de petit carré de terre microscopique. Les images et les options défilaient à toute vitesse, toutes plus folles les unes que les autres. Toutes plus irréalisables.

'La silhouette...'

Quelle silhouette...?
Flash-back de sa mémoire à court terme.
Une tache sur la banquise immaculée. Trop grosse pour être un pingouin. Trop sombre pour être un ours blanc (il y avait des ours blancs sur l'Île White...? Oh God!). Un signe d'activité humaine.
Mélusine jeta à peine un regard au deuxième homme qui gisait non loin (et qui constituait le dernier de ses soucis) et prit sa décision. Si ils restaient ici, Sacha finirait très certainement par succomber et elle n'était pas certaine de lui survivre très longtemps. Si la silhouette était ennemie, adviendrait que pourrait. Si elle était amie... Elle serait amie. Se fiant à ses impulsions plutôt qu'à sa soit-disant raison, elle se releva, infligea un
Reducto à Gorgonzola qu'elle glissa tout contre son ventre chaud. La peau de l'animal était glacée et lui fila des frissons mais elle était trop concentrée pour s'en soucier vraiment. Elle pointa sa baguette sur son capitaine et d'un Mobili Corpus, le fit léviter à quelques dizaines de centimètres du sol. Elle ne pouvait pas risquer de lui faire survoler l'île entre les pattes de Gorgonzola. Trop erratique. Et il faisait encore plus froid en haut.
Et puis, la silhouette n'était pas si loin.
Enfin... dans son souvenir.

Elle parcourut l'espace qui la séparait de "pas si loin" le plus rapidement possible mais son avancée était passablement ralentie par la neige et par le corps qui flottait à ses côtés et sur lequel sa main s'était crispée. Tout ce blanc l'hallucinait à moitié et lui brûlait les yeux. Mais elle continuait à avancer. C'était ce qui comptait, dans la vie, non? Ne pas baisser les bras et avancer, à contre-courant si nécessaire, pour ne jamais être à l'arrêt, pour ne jamais reculer.

Une forme troua cette uniformité blafarde, lui faisant presque plisser les yeux sous l'effort.
Mais, non, rien. Elle était pourtant certaine... Oui! Ici! Des traces toutes fraîches dans la neige. Mélusine se laissa un instant déconcerter par la forme étrange de ces traces qui ne ressemblaient à rien qu'elle connaissait. Un soubresaut sous sa paume la ramena à ses priorités. Bien. Quand on avait plus rien à perdre...


"Hum..."

Pouvait mieux faire.

"Youhoum? Y a quelqu'un?"

Cette fois-ci, elle en était certaine, quelque chose avait bougé à la périphérie de son champ de vision. Et si ce quelque chose ne se montrait pas, c'était que soit 1. il préparait une attaque, soit 2. c'était elle la menace. Peut-être les apparences auraient-elles été autre si elle n'avait pas eu un simili-cadavre entre les doigts, songea-t-elle avec amertume. Elle n'avait jamais été très douée pour la diplomatie. Son truc à elle, c'était l'action. Mais il y avait urgence. Ses nerfs aiguisés le lui répétaient comme un leit-motiv.

"Je... J'ai besoin d'aide."

Une fois ces mots prononcés, les plus difficiles, les autres suivirent facilement. Elle expérimenta les promesses d'amitié, dans toutes les langues qu'elle connaissait. Ce qui n'en faisait pas beaucoup. Une bribe de chinois, du gaélique pour la forme, une pointe de français, un fragment d'espagnol, un soupçon de langage aquatique... Et Merlin bénisse Stan Shield. Le soupçon de langue aquatique fut le sésame. L'ombre sortit de sa cachette et s'avança à pas précautionneux. Un individu qui n'était indéniablement pas humain lui fit face et parce qu'il lui rappelait son ami assassymbe et parce que le temps s'écoulait au rythme du sang de de Lansley qui dégouttait sur la banquise, Mélusine tomba le masque et laissa transparaître et sa détresse, et sa peur qu'elle avait tout fait pour retenir, afin de rester concentrée et efficace. Elle murmura un discours improvisé qui n'était que l'assemblage hétéroclite de termes amicaux et désespérés. L'être de l'eau y parut sensible et la gratifia d'un regard compatissant et empressé. Il lui répondit dans sa propre langue, s'aidant de gestes pour se faire comprendre. Enfin, il se mit en mouvement, non sans lui avoir offert son nom, Ultime preuve de confiance.

- Saytann.
"Mélusine."


Quand elle s'abstenait d'égrainer son identité entière, c'était vraiment qu'elle se sentait mal.
Elle le suivit sans manifester un semblant d'hésitation.

Naïvement, elle aurait voulu une solution miracle, un claquement de doigts aux allures de résurrection. Mais Saytann n'était pas plus Dyode qu'elle. Leur hôte se contenta de les mener en direction d'une sorte de petite montagne blanche devant laquelle elle crut percevoir des signes d'activité. Les signes s'esquivèrent à leur approche. Timidité ou simple prudence. Même perdus au milieu de nulle part, on n'était jamais aussi seuls qu'on croyait. Devant elle, l'être de l'eau s'arrêta brusquement, leva une main palmée et lança deux brèves syllabes gutturales.
Le monticule de glace sembla se déchirer pour laisser apparaître une brèche. Par cette brèche, on pouvait deviner une excavation dans la roche. Leur guide s'effaça pour qu'elle puisse entrer, Sacha à sa suite. Sa baguette étant occupée à quelque chose de bien moins trivial qu'un banal
Lumos, Mélusine avança dans le noir, avec la vague luminosité du dehors qui se glissait péniblement à l'intérieur. Elle se défit de sa cape d'une main pour la déposer à un endroit où le sol lui semblait un peu moins irrégulier. On y avait déposé une couche d'algue qui atténuait le côté abrupte de la roche et embaumait l'air d'un parfum maritime pas si désagréable.
Elle maintint maladroitement Sacha dans ses bras tandis que sa baguette jetait un sortilège de duplication.
Gemino.
Tendue. La baguette nerveuse.
Qui mettre en cause, la fatigue, la peur ou ses propres failles en matière de magie? Au lieu de se doubler une, deux ou trois fois, le phénomène de copie parut s'étendre à l'infini. Le sol était désormais couvert d'un monticule de capes. Une énumération vestimentaire à laquelle elle tentait, du mieux qu'elle le pouvait, de mettre un terme. La duplication cessa aussi rapidement qu'elle avait commencé, lui laissant sur les bras de quoi reconstituer le stock de Poudlard. Elle y allongea le capitaine avec les bribes de délicatesse dont sa baguette était capable. De retour à l'entrée, elle marqua une hésitation en dévisageant Saytann. Pour plus de sécurité, elle savait qu'elle aurait dû l'amnésier mais, bien qu'ils soient indéniablement différents, quelque chose en lui lui rappelait Stan. Quelque chose dans la douceur de leur regard, peut-être. Ou la bienveillance qui les entourait comme une aura. Elle se résigna et lui sourit, lui offrant un merci un peu écorché. Il s'éloigna en lui laissant un autre sourire en retour. Si elle avait besoin de lui, elle saurait où le trouver.
La jeune femme scella la grotte de plusieurs sortilèges de protection, tout en laissant la brèche entrouverte. Ce serait tellement ridicule de mourir ici, asphyxiés. Elle ne s'étonnait même pas de ces détails auxquels elle n'aurait jamais pensé en temps normal. Elle avait l'impression d'être guidée par quelque chose qui la dépassait. L'instinct de survie, peut-être.

En comparaison de l'extérieur, l'atmosphère de la petite grotte était presque tiède. Presque. Comme dans un rêve, elle effectua quelques améliorations de l'espace, envoyant des flammes magiques danser ça et là, à mi-hauteur. Elles brûlaient sans combustible et diffusaient une douce chaleur.

Enfin, Mélusine s'approcha-t-elle de Sacha, en faisant refluer une fois de plus l'angoisse qui lui tordait le ventre. Elle n'avait pas le temps pour ce genre de petits détails introvertis. Elle l'observa de toutes ses forces, sans s'attarder sur ses traits, pour essayer de déterminer qui, du froid ou des blessures, allait le tuer en premier. L'inquiétude la faisait trembler malgré elle. Et ici, loin de tout et loin des siens, elle n'avait plus personne derrière qui se cacher. Il fallait agir et il fallait agir maintenant. A gestes lents, elle entreprit de lui ôter son manteau puis les couches successives de ses vêtements. Le froid avait en partie fait geler le sang qui imbibait ses habits. En les lui retirant, elle rouvrit les blessures qui avaient commencé le lent processus de cicatrisation naturelle. Elle en sentait presque la brûlure dans sa propre chair.
Avec son sang sur ses mains, ce furent ses nerfs qui lâchèrent et ses yeux qui s'inondèrent. Ses larmes brouillaient tout. Elle n'y voyait plus rien. Elle s'essuya les yeux d'un geste rageur. Elle devait se concentrer sur maintenant. Verser des larmes de peur ne serviraient pas à le ramener. Se concentrer sur maintenant et oublier à qui appartenait ce corps mutilé. Ou y songer tellement fort que ce qu'elle voyait perdrait tout son sens. Comme un mot tellement répété qu'il en devenait étranger et insensé.
La petite clef qui reposait sur son torse la ramena plus efficacement que ses propres injonctions mentales. Elle sourit faiblement de la voir là et ce sentiment était plus fort qu'elle ne l'aurait cru. Il la gardait sur lui... Et si l'issue se trouvait là? S'exiler en Écosse et y chercher de l'aide. Espoir futile qu'elle balaya de la main. Impossible. Elle était seule et elle gérerait seule. Parce qu'il le fallait mais parce qu'elle voulait également le prouver. Se le prouver? Le lui prouver? A qui? A quoi? Ça n'était pas important.

Ses gestes devinrent automatiques, dénués de réflexion préalable. Elle agissait sur l'instant, par l'instant et pour l'instinct. Le « demain », le « après » de maintenant étaient trop effrayants.

Aviser un creux dans la roche du sol.
Le remplir d'eau via un
Aguamenti pertinent.
Jeter un
Incendio à quelques pierres éparses.
Se souvenir de garder une prise ferme sur sa baguette pour qu'elle ne se consume pas dans les flammes.
Froncer les sourcils à la recherche de l'origine de cette réminiscence.
Faire léviter les pierres devenues brûlantes jusqu'au bassin d'eau.
Les y faire couler et voir de la vapeur se former à la surface de l'eau alors qu'elle devenait chaude.
Fouiller son sac.
En extirper des petits flacons qu'elle connaissait par cœur. Son indispensable à elle. Elle avait refait le plein après le White Rabbit.
Sélectionner l'essence de Murlap et verser l'intégralité du flacon dans son bain de fortune.
Ôter ses propres vêtements, prendre Sacha dans ses bras et se couler dans l'eau brûlante.
Le garder serré contre elle et regarder le Murlap faire son office.

Sa propre peau la picotait, guérissant des petits coupures récentes, attrapées elle ne savait trop où. Mais ça n'était rien comparé à son épiderme à lui. Bien que beaucoup trop lent à son goût, le processus était en marche et ses blessures cicatrisaient à vue d'œil. De rouge sang, elles avaient viré au rose enflammé. Ca n'était pas encore ça mais c'était déjà moins pire. Elle pouvait presque dévisager les plaies sans ciller. Cette lenteur la frustrait et, de la main qui ne maintenait pas la tête du Capitaine hors de l'eau, elle massait ses blessures du bout des doigts pour y faire pénétrer l'essence plus en profondeur. Elle savait qu'il n'y en aurait pas assez. Juste suffisamment pour désinfecter et entamer le processus de guérison. Ensuite viendrait le dictame...
Et ensuite vint le dictame. En trop petites quantités, lui aussi. Mais sur son torse, sur ses bras comme sur ses jambes, les déchirures de sa peau se firent plus discrètes. C'était le dos du jeune homme qui suscitait le plus son inquiétude. Enfin, maintenant que le pire semblait passé.

Ils restèrent longtemps dans l'eau.
Contre elle, Mélusine sentait le corps de Sacha reprendre une chaleur décente et sa peau se teinter d'un rouge « j'ai un peu trop chaud ». Elle s'attarda sur son visage, contre lequel elle appliquait ses mains à tour de rôle, en effectuant de légers mouvements pour ranimer le sang et chasser le souvenir du froid et du gel. Certaines de ses caresses étaient peut-être inutiles, à l'instar du baiser qu'elle déposa sur sa mâchoire. Elle peinait à brider ses sentiments correctement, maintenant qu'elle n'avait aucun témoin, pas même lui. Tout comme elle n'arrivait pas à trouver le courage de les extraire de l'eau. Sortir, c'était retrouver la fraîcheur ambiante, provisoirement, et quitter la liberté légère de flotter, peau contre peau.
Elle se fit violence et finit par s'extirper de leur bain de fortune, le capitaine toujours dans ses bras. Il était lourd et immobile mais il en aurait fallu plus pour la contraindre à le lâcher. Si sa vie reposait entre ses mains, elle allait les serrer fort l'une contre l'autre, afin que rien ne puisse s'en échapper.
Frissonnant sous la morsure de l'air, elle le sécha avec l'une des capes avant de l'emmitoufler dans une deuxième. A moitié essoufflée par l'effort, elle parvint à le rallonger sur un petit matelas constitué d'une dizaine d'autres capes. Elle tira à lui quelques morceaux de tissu supplémentaires, le couvrant jusqu'à la taille. Alors que sur sa peau ne subsistaient que des souvenirs plus ou moins vifs de ses blessures, une plaie continuait à béer sur son dos. Le dessin de sa peau déchirée lui était étrangement familière.
Comme plusieurs fois au cours de la soirée (de la journée? Le soleil ne se couchait-il dont jamais?), sa mémoire convoqua ses souvenirs jusqu'à en pointer un du doigt en particulier.
Passa. Décembre 2011.
Immobilité et silence alors que les images défilaient.
Pour la première fois depuis qu'elle ornait son pouce, Mélusine détailla soudain la chevalière, forçant plus de réminiscence. Elle était persuadée que la clef se trouvait dans sa tête. Elle revit des images qui ne lui appartenait pas, issues de témoignages en volutes argentées. Et d'autres images, vieilles d'un peu plus d'un an. Par saccade, son transplanage sans encombre et sans douleur. Sans aucun effet secondaire. Ses propres sortilèges, tous plus réussis les uns que les autres et ce, malgré la fatigue qui ne la lâchait pas... toute cette magie, venue si promptement à son appel, sans même qu'elle songe à s'en étonner. C'était cette magie qui l'avait guérie, après le Sri Lanka. C'était cette magie qui le sauverait.

Sauf que, bien évidemment, elle ne savait pas comment faire.
Y avait-il une incantation? Une marche à suivre?

'Et si tu suivais tout simplement ton instinct?'

Pas avec sa vie en jeu.

'C'est pourtant ce que tu as fait jusqu'à présent.'

Mais jusqu'à présent, c'était de l'ordre du connu.

'Et peut-être que tu sais mais que tu refuses de te l'avouer.'

Et si elle se trompait?
Un regard à la plaie de son dos lui distilla un peu d'audace.
Mélusine ferma les yeux sans trop savoir ce qu'elle faisait et partit en quête d'elle-ne-savait-quoi, au fond d'elle. Elle avait compris depuis bien longtemps que sa magie était tributaire de ses émotions. Si elle assurait sur le terrain, c'était uniquement grâce à l'adrénaline. Il lui fallait quelque chose de suffisamment puissant pour lui servir de catalyseur. Et ses réserves d'adrénaline étaient en train de brûler à vue d'œil. Il lui fallait quelque chose d'aussi fort mais surtout de différent. Car là, il ne s'agissait pas d'infliger mais de soigner.
La réponse était presque évidente bien qu'elle ne l'aurait jamais qualifiée en mots. Des émotions, des sentiments, elle en avait à revendre. Il lui suffisait de s'ouvrir à ce qu'
il lui faisait ressentir. Puiser dans les battements de son cœur erratique ce qu'il faudrait pour le ramener. Quelque chose lui disait qu'elle en était capable. Ce quelque chose dans lequel elle avait plus foi que dans toutes les grandes théories modernes. Aussi, ce fut ce qu'elle fit. Elle laissa tomber les barrières dont elle s'entourait pour se protéger, pour souffrir moins, pour prendre de la distance et amassa toute l'affection qu'elle pouvait avoir pour le capitaine. Tout, la moindre bribe de frisson, le plus petit éclat, la moindre systole.
Ensuite... elle ne saurait jamais trop ce qui c'était passé.
Elle projeta le tout en direction du corps de Sacha, sous ses mains.
Elle sentait presque sa propre peau crépiter d'énergie.
En quelque sorte. Indescriptible.
Le temps s'arrêta.
Vidée, elle n'osa pas ouvrir les yeux. Il y avait certaines désillusions qui vous bousillait trop pour qu'on accepte volontairement d'y faire face.
Pourtant, il lui semblait que le jeune homme respirait plus profondément. Plus normalement. Plus sainement.
Aussi ouvrit-elle un œil curieux. Un deuxième. Et trouva la force de sourire faiblement. La déchirure s'était refermée, ne laissant pour seul souvenir qu'une cicatrice qui, à nouveau, lui sembla étrangement familière.

Mélusine tira sur lui ses couvertures de fortune et alla s'adosser contre la paroi, à un ou deux mètres de là, pour le regarder reposer.
Là, ses pensées se mirent à tournoyer. Elle était incapable de les dresser par la seule force de sa volonté. La fatigue des vingt-quatre dernières heures, tant physique qu'émotionnelle, lui tombait dessus maintenant qu'elle avait satisfait à ses impératifs personnels. L'adrénaline, en la quittant, la laissait faible et sans défense. Ou presque. Le visage du deuxième homme, là-bas, près du petit lac, vint flotter devant ses paupières. Shawn Page. Pour la première fois, elle pouvait mettre un nom sur ce visage. Elle se souvenait l'avoir déjà entraperçu dans la tête d'Allanah, quand elles échangeaient des informations par arbre-mère interposé. Par accord tacite, elles s’interdisaient d'espionner les pensées de l'autre mais, inévitablement, quelques images perçaient les barrières qu'elles se dressaient, en fonction des préoccupations du moment. Dans sa propre tête, l'Opposant gisait lui aussi dans son sang. Etait-il... mort? Un cas de conscience aussi soudain qu'inattendu la frappa. Elle l'avait abandonné à son sort sans même envisager de lui porter assistance. Elle qui avait tellement eu de mal à accepter de tuer... Quelle était la différence entre assassiner quelqu'un de ses propres mains et le laisser mourir? N'était-ce pas pire encore? Aurait-elle dû...?
Non, se convainquit-elle, en laissant son regard glisser sur le capitaine. Si c'était une question de choix, pour une fois dans sa vie, elle était certaine d'avoir fait le bon. Sans une once d'hésitation.
Ses yeux se fermaient d'eux-mêmes, lui envoyant des flashes-back de la journée écoulée. Elle se forçait à les rouvrir. Elle ne pouvait pas glisser dans le sommeil tant qu'elle n'était pas sûre que... Nouveau regard en direction de Sacha. Une vague de tendresse épouvantable la submergea et elle n'eut ni l'envie ni la force d'y résister. Elle songea à la lettre qui reposait dans son sac, encore scellée, l'attira d'un coup de baguette et la fixa longtemps, sans se résigner à l'ouvrir. Elle n'était pas en état. Elle préférait la garder pour plus tard. Le noir gagnait peu à peu sa conscience.
Elle avait besoin de lui.
La jeune femme se glissa jusqu'à lui et se mussa contre son corps, posant une main prudente sur un fragment de son torse qui n'avait pas été mis à mal.

Les flammes s'éteignirent quand elle sombra dans le sommeil.


Ses poumons, à grands renforts de hoquet, la menacent de démission mais elle continue de courir. Dans la gare de King's Cross, la grande aiguille flirte dangereusement avec le 12 mais elle fait semblant de croire qu'elle a encore le temps.
Les derniers mètres. La barrière. La familiarité du quai 9 34. Un nuage de vapeur qui lui dissimule ce qu'elle sait déjà. Le sifflet du train retentit au loin. Trop loin. C'est le Poudlard Express qui la nargue alors qu'à son bord, la masse des jeunes sorciers et sorcières sont en route pour le château. Mais pas elle.
Les parents désertent le quai et il ne reste plus qu'elle. La gare lui parait soudain immense et elle se sent toute petite. Pourtant, elle ne part pas. Un sentiment d'étrange la retient.
Elle bat des paupières, cherche son souffle et s'affale sur le sol dallé.
Puis, elle ouvre grand les yeux. Sur les rails, devant elle, apparus comme par magie, il y a une locomotive et son cortège de wagons. D'une blancheur immaculée. D'un silence paisible.

L'essentiel, avec les trains, ce n'est pas de savoir où ils vont, c'est de se décider à les prendre.

Elle se souvient avoir déjà entendu cette phrase quelque part.
Ce train-là, elle a envie d'y monter. Aussi y grimpe-t-elle. En parcourt-elle les compartiments désertés sans anxiété. Elle ne sait peut-être pas exactement où elle va mais elle est certaine que c'est là où elle doit être. Finalement, la vie n'est pas si compliquée.
Dans le dernier compartiment, une silhouette familière qui fait battre sa poitrine un peu plus vite et un peu plus fort. Elle ne s'étonne pas vraiment qu'il soit le seul habitant de ce train fantôme.
Elle entre sans toquer, le sourire en bandoulière et s'assied en face de lui comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Ils parlent un peu et elle ne peut pas s'empêcher de le toucher. Elle garde le contact malgré les soubresauts du train. Le monde lui paraît plus tangibles ainsi. Il s'en amuse. Elle s'approche un peu plus. Il la laisse faire. Sans l'encourager, avec juste un sourire au coin des yeux. Il veut qu'elle fasse le premier vrai pas. Qu'elle ose enfin. Elle trouve stupide de reculer sans cesse mais c'est plus fort qu'elle.
Il y a pourtant ce pétillement dans ses yeux à lui. Il y a pourtant cette impression tenace d'avoir déjà effectué ces gestes. Elle se perche sur ses genoux, un peu plus près que ne le veut la décence. Elle le défie du regard. S'il change d'avis, c'est trop tard. Le dossier de son siège l'empêchera de reculer. Elle joue avec les distances. Un peu plus proche, un peu plus loin. Apprivoise son contact. Laisse son souffle la chatouiller. Quand elle prend ses lèvres, c'est naturel, c'est chaud, c'est bon.
Du temps passe. Doucement. Agréablement.
Elle gagne en audace. Rit. Le caresse. Le taquine.
Finit par sortir un drôle de petit objet rouge de sa poche. Il se demande ce dont il s'agit? Qu'il attende donc de voir! Elle presse le bidule contre sa chemise et sourit, mutine. C'est une gomme à déshabiller. Qu'il regarde! Un petit coup de gomme et son col et le haut de sa chemise disparaisse, comme neige au soleil. Sur la peau dévoilée, elle égraine quelques baisers. Gomme encore un peu plus bas. Sa peau à lui devient étrangement pâle. Qu'est-ce qu'il a? Il ne se sent pas bien? Est-ce qu'elle a fait quelque chose de travers? Pâle, encore plus pâle. Lui, ne sait pas trop. Ca chatouille, il paraît. Alors il grimace pour la faire rire. Mais elle reste à moitié convaincue. Pâle. Encore plus pâle. Comme s'il disparaissait. En fait, il disparaît pour de vrai. Elle tente de le serrer dans ses bras pour l'empêcher de s'enfuir mais autant essayer de retenir de la fumée entre ses doigts. Il se floute peu à peu. A la fin, ne reste que son sourire, qui s'évanouit lui aussi. Elle se retrouve assise sur rien, à étreindre du vide.

Elle chute sur le sol, un peu perdue, un peu sonnée. Désorientée.
Dans sa gorge, quelque chose la gêne, qui remonte à ses yeux. C'est idiot. Ses joues se mouillent un peu. C'est ridicule.

Plus tard, en plein milieu de sa solitude, le train s'arrête dans un grand hoquet brutal, en plein au milieu des Midlands écossais.
Sourcils froncés.
Curieuse malgré tout, poussée par ses propres impulsions, elle descend du train et pose le pied sur sa terre natale. Bon, sa terre à elle est nettement plus au Nord. Ca ne l'empêche pas d'apprécier le paysage. Sauvage et immense. Elle se sent minuscule face à la magnificence des éléments, de la nature.

Elle avance au gré d'elle ne sait trop quoi. Elle se souvient avoir déjà pensé que l'essentiel était de toujours continuer d'avancer. Ne jamais cesser de bouger. Dans sa tête comme dans son corps.
Le paysage mute en une forêt et elle continue d'avancer. L'angoisse commence à lui étreindre le ventre, incompréhensible. Elle arrive devant un arbre et s'affale à ses pieds, de solitude soudaine et écrasante. Elle se recroqueville sur elle même, comme enfant, quand elle avait peur de s'endormir, certaine qu'à son réveil, elle aurait cessé de vivre. Que le monde aurait changé.
La pensée de lui surgit. Elle ne sait pas où il est. Ce qu'il fait. Il lui manque.


Dernière édition par Mélusine McEwan le Dim 13 Juil - 12:10:49, édité 1 fois
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Sacha de Lansley
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Avr - 23:47:30

Pourquoi la voyait-il bien qu’elle l’ait effacé ? Ne lui avait-elle pas gommé aussi les yeux, la bouche et le nez ? Pourquoi continuait-il de ressentir ce qui l’environnait ? Elle l’avait effacé. Gommé. Rayé. Elle avait tiré un trait sur lui. Sur sa poitrine. Elle l’avait déchiré du bout de sa plume. De ses outils magiques. Ca lui avait fait un mal de chien mais il n’avait pas arrêté de sourire pour ne pas l’inquiéter et pour sauver l’honneur. Parce qu’il est plus poli de sourire quand on est sur le point de mourir. Anthony le lui répétait sans cesse dès qu’il était souffrant : "Souriez, Sacha. La grippe ne doit pas vous prendre plus que la santé. Souffrir, c’est attirer inutilement l’attention sur soi. Sourirez et notre nom sera sauvé."

Il tend devant lui la main gauche. Il n’y a rien d’anormal. Un, deux, trois, quatre, cinq doigts. Le compte est bon. La droite. Pareil. Tiens ? C’est étrange ces deux mains déshabillées. D’antan, ne portait-il aucun bijou ? Bref. Il n’est pas gommé. C’est tout ce qui importe. L’étonnement est une grossière perte de temps, aussi camoufle-t-il sur son visage l’ahurissement de réaliser qu’il n’a pas été effacé par la rousse aux yeux mouillés comme il l’avait d’abord pensé.

Il est perché sur une branche solide de son arbre et il la regarde, en contrebas, se ratatiner sur elle-même comme un haricot malade. Elle est recroquevillée contre son chêne centenaire. Son vieux complice des heures contemplatives.

Il se hisse jusqu’à la branche inférieure avec l’agilité d’un singe. Le vent commence à se lever et à secouer nerveusement les frondaisons. Le Nocturne, comme un pot de peinture renversé, suinte sur la cime des arbres, sur la forêt, sur tout ce que les ténèbres peuvent souiller. Le vieux feuillu lui facilite l’accès pour atteindre ses divers niveaux de verdure, contraint puis soudain affolé par les vents puissants qui soulèvent sa robe verte et écartent violemment ses ramures. Il manque de tomber deux ou trois fois mais parvient finalement à sauter de la branche la plus basse pour atteindre le sol. Sans encombre.

Il est à quelques centimètres d’elle. Elle ne bouge pas mais il sait qu’elle n’est pas morte. En dépit, du zéphyr furieux qui abomine le silence, il entend son cœur battre comme s’il était dedans.

Il s’agenouille près d’elle. Regarde. Sourit. Sa fine main aux longs doigts fuselés recouvre son visage. Elle joue à cache-cache. Trouvé. Il a gagné. Fini de jouer. Il prend la main aux longs doigts et, entre les pans déchirés de sa chemise, la pose sur son torse qui ne souffre plus comme s’il avait été biffé d’un profond trait d’Oubli et d’encre rouge. Demoiselle au visage découvert plus rencontre de deux dermes = silence. Sauf le vent qui ne comprend rien au silence.

Quand il obtient toute son attention, fier de son petit effet - un arbre, un bond, une main, un cœur qui bat...-, il l’aide à se redresser sans jamais négliger le contact cutané. Comme elle est assise bien en face de lui, il délaisse la main appuyée sur son torse. Il a besoin des deux siennes pour mieux s’occuper de cette sylve de cheveux battus par la tempête. Fatras informe d’une crinière de boucles rouges qui tournoie dans le vent et empêche l’accès à son regard. Elle, elle garde la main appuyée sur son thorax. Parce qu’il faut qu’elle sente les systoles. Toujours. C’est une obsession chez cette fille. Systoles et diastoles.

Lorsqu’il a ses yeux, calmes, endormis, humides, bleus, dans les siens, lorsqu’il a ses deux mains sur ses joues pour l’obliger à garder cette foutue tête haute et ces foutus cheveux rouges sur le côté, il approche sa bouche jusqu’à la sienne. Depuis la cime de son vieux chêne, c’est ce qu’il était venu chercher.

Il se résout à la lâcher quand le vent despotique consolide son harnais autour d’eux. Foudre. Orage. Pluie. Tous viennent les combattre et éprouver la stabilité de leur insolite association. Les bras et les mains se cramponnent autour du corps de l’autre. C'est à qui cèdera le premier : éléments extérieurs ou humains enchevêtrés. "On ne cèdera pas. On ne peut pas céder." Le Nocturne les recouvre, les absorbe, tente de les étouffer sous sa houppelande anthracite. Le vent rit comme un dément. Il les bouscule, gonfle ses bourrasques et roule sur eux. Il faut former un bloc solide pour tenir contre la tempête. Alors il la prend dans ses bras, l’aide à cacher son visage dans son épaule en attendant que tout se calme.


"Parfois, tu sais, il faut juste résister. Tenir bon. Il n’y a pas à combattre."

Près d’eux, l’arbre centenaire va être déraciné. Le poids de son histoire n'y pourra rien. Il penche gravement. Il s'envolera. Quoi qu’il advienne de l’arbre, Lui n’abandonnera pas. On ne l’arrachera pas d’où que ce soit. Il tiendra bon. Pour un, pour deux, pour trois. Pour tous ceux qui le suivent. Rien ne le déracinera. Rien ne pourra le détourner de ses objectifs. C’est trop important. Il ne sait plus trop pourquoi mais c’est trop important.

La tempête les blesse. Leur envoie des brindilles que la vitesse du vent a transformées en fléchettes fouettant la peau à sang. Des cailloux. Des bouts de bois. Tout est susceptible de devenir les armes de la Nature. Il s’en fout. Il s’est toujours foutu de ce qui voulait le terrasser car il était bien plus drôle de voir les autres échouer plutôt que de se voir lui-même gagner.

Il tient. Il en a des crampes à force de la serrer de toutes ses forces dans ses bras. Le vent a arraché leurs oripeaux. Il a tout dévasté. Obligés de se montrer, on se regarde. On peine à garder les yeux ouverts mais tout se calme petit à petit. La tempête faiblit. Elle ne peut pas lutter. Elle disparaît lentement en gardant ce qu’elle leur a dérobé. Vêtements, passé, distances, habitudes. Les laissant aussi nus et dépourvus que des nouveau-nés. Il et elle ont gagné.

Ils relèvent la tête avec prudence. Sauvés ?
Coups d’œil furtifs. Ils s’assurent qu’on ne viendra pas les anéantir une nouvelle fois par surprise. Les deux paires d’yeux rebondissent rapidement aux quatre points cardinaux de la forêt qui a retrouvé son éclat. Son vert émeraude.

Ils sont seuls et cette solitude est partagée.
Il ne lui dit rien. Elle répond pareil.
A deux, ils ont tenu. Seuls, ils se seraient envolés.

- Est-ce que séparés, à l’autre bout du monde, nous serons toujours aussi solides quand viendront les tempêtes ?
- Je suis en toi et tu es en moi. Gardien-Miroir, tu te souviens ? Nous n’avons pas besoin d’être au "peaux à peaux" pour tenir bon.
- Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle hypocrisie, de Lansley ?


Il sourit. Il la préfère combattive et inventive. Comme là.
Ils n’ont guère besoin de plus pour qu’un autre sourire invite une caresse à parcourir un corps blafard et à fausser d’un coup les belles maximes prodiguées pour réconforter.

- Mais, au fait, que fais-tu ici ?
- Ici ? Comment ça "ici" ?
- Dans mes rêves. Tu t’invites souvent.
- Tu es gonflé. C’est toi qui investis les miens et qui les déroutent. Sans aucune considération pour les efforts que met mon cerveau à essayer de déchiffrer les messages de mon subconscient entortillé.


Il a pourtant la sensation très forte qu’on se trouve dans sa tête à lui. Il s’accroche à n’importe quoi pour argumenter cette sensation :

- On est forcément dans ma tête si tu te balades à poil contre moi.

Le détail lui rend indiscutable l’appartenance du rêve dans lequel ils se trouvent.
Il regarde son bas ventre. Peau blanche. Contre le sien. Peau mate. Ceinture pelvienne cachant l’enchâssement vénérien.
Faussement interloqué car il vient de constater l’assemblage, il relève un visage saltimbanque vers elle :

- Je dirais même plus :
sur moi. Du moins, sur la partie la plus sincère de moi-même.
- Ouvre les yeux et tu verras,
le défie-t-elle sans relever la galéjade.


La théorie des contraires - Page 2 Sep2a

Il ouvre les yeux. Il voit flou.

Cela n’avait jamais été aussi difficile d’ouvrir les yeux. Cela n’avait jamais fait aussi mal. Son dos lacéré au derme recollé lui donnait l’impression d’avoir été édifié de vertèbres montées toutes dans le désordre, sa tête le torturait d’une farouche hémicrânie, sa poitrine égratignée le picotait bien qu’elle semblait appuyée contre un duvet léger, ses cuisses et son ventre seuls reposaient contre une douceur agréable et tiède. Il ouvrit les yeux complètement. Brusquement. Découvrit le visage endormi de Mélusine face au sien. Calfeutré contre son épaule.

- McEwan... ? S’étonna-t-il dans un murmure inquiet.

Il mit du temps à séparer ce qui avait été rêvé de ce qui avait été vécu. Encore maintenant, il n’était pas très sûr d’avoir si bien trié que ça. Mais à quoi bon s’alarmer ? Depuis quelques mois, tel était le rituel tordant de chacun de ses réveils : "Rêve ou réalité ?"

L’effort qu’il dut fournir ensuite consista à se remémorer l’endroit où il se trouvait et la manière dont il y avait accédé. Une grotte. Humide. Sombre. Fraîche. Fermée.

"Où suis-je ?"

Il ne reconnaissait rien. Il avait cependant la conviction qu’ils n’avaient pas échoués ici sur son initiative.

"J’aurais choisi les Bahamas..."

Insoucieux d’expliquer comment il pouvait avoir le détachement nécessaire pour trouver à faire de l’humour en une circonstance aussi surnaturelle, il réalisa néanmoins que leur présence ici était certainement du fait de McEwan. Elliot lui avait transmis le message. Après le départ du chanteur, que s’était-il passé ? Derniers souvenirs, rassemblés avec peine, il y avait un duel violent, beaucoup de parlote, Page gisant dans son sang et de la neige brûlante partout autour d’eux. Il examina de nouveau les alentours sans faire de mouvement brusque et sans essayer de relever complètement la tête afin de ne pas réveiller McEwan, convaincu qu’elle allait péter une durite et lui déboulonner les tympans dès qu’elle s’apercevrait qu’elle était contre lui, pas plus habillée que Rosà au commencement.

Malgré qu’il n’était pas besoin d’avoir suivi la filière Auror Niveau cent quarante douze pour comprendre la raison de leur nudité (froid x bobos - feu + magie² = tout le monde à poil. Environ.), il était plus que licencieux d’avoir McEwan à ce point dévêtue contre lui. Une tribu d’anges passa. Son propre corps admit que le contact n’était pas mauvais. Son cœur vint étaler une autre couche, aussi Sacha profita de n’avoir pas encore remis tous ses souvenirs et leur chronologie en ordre pour savourer l’étreinte qu’il pensait involontaire. Il s’affaira toutefois à calmer toute partie de son anatomie qui aurait pu trahir le ravissement élémentaire et primitif qu’il ressentait de l’avoir dans ses bras. Il l’accepta là. Dans ses bras. Sans encore pouvoir formuler avec certitude ce qu’elle pouvait bien faire, là, nue, contre lui, sur une montagne de capes. Décidément, l’écossaise avait des fantasmes assez subtils.

Démissionnant temporairement du labeur contraignant et du dégrossissage mnémonique supposés lui ramener des bribes des derniers évènements, il écouta longtemps les battements de son cœur contre le sien et la respiration sereine effleurer le silence avec délicatesse.

Tandis que le temps passait, la caverne se rafraichissait. Pour éviter les crampes et les fourmis, il avait trouvé plus confortable de se mettre sur son flanc. Aux prises avec son sommeil, elle avait trouvé naturellement le chemin par lequel passer un de ses deux bras pour le serrer contre elle et s’accrocher à lui en même temps. Elle respirait contre son cou. Dormant profondément, comme si elle n’avait pas dormi depuis 24 heures. Sacha, de son côté, n’avait pas combattu l’envahisseur. Encourageant même son calfeutrage d’un bras qu’il passa autour d’elle pour l’embrasser de tout son corps. Leurs jambes s’étaient entrelacées. Les doigts vacants d’une de leur main aussi.

Du temps passa encore à rêvasser paisiblement. Ni trop vite, ni trop lentement. Du temps à réfléchir. Dans les florilèges de ses réflexions, il y eut les incontournables : "Charlotte", "paternité", "Elinor", "Noah". Il y eut les discutables : "la Résistance", "la Prophétie du Centaure toxico". Il y eut les agaçantes : "sa mère", "la presse". Il y eut les déraisonnables : "censuré". Il y eut les inclassables : "souvenirs variés". Il préféra bondir plusieurs années en arrière et n’aller pas à la rencontre du passé le plus récent afin de mieux apprécier ses commémorations privées. Il repoussa à la fin ses réflexions les plus compliquées : "Opposition", "Miroir", "Mélusine". Au bout d’un moment, l’inactivité le fit somnoler.

Combien de temps encore était passé ? Impossible à quantifier. Lorsqu’il rouvrit les yeux, la température de la caverne avait de nouveau chuté de plusieurs degrés. Mélusine dormait toujours. Il était incapable de savoir depuis combien de minutes, d'’heures, de jours, ils se trouvaient dans cette crypte glaciale. Il avait faim. Très faim. C’était tout ce qu’il savait. Les borborygmes avaient laissé la place aux crampes. C’était plus que la faim. L’habitude du jeûne. La chaleur de leur corps compensait le manque d’un foyer.

Une idée naquit naturellement. Sous la cape qui recouvrait leur nudité, Sacha chercha sa chevalière du bout de l’index. Il passa son doigt libre sur chacun de ceux de la main aux longs doigts entrelacée à la sienne. Il trouva l’anneau autour du pouce de McEwan. Avec la même précaution qu’à chaque fois qu’il effectuait un geste, il ramena la main jusqu’à son visage pour contempler sa chevalière. Au pouce. Qu’est-ce que c’était que cette main de Hobbit ? Minuscule. Ridicule. Il ne résista pas à l’envie de porter le pouce à ses lèvres. Sourire affectueux qui vint chasser le moqueur. Il embrassa la peau et l’objet sur la peau avant de se concentrer.

Son dos, pourtant cruellement meurtri, et ses blessures toutes guéries. Ces dizaines de capes faisant office de matelas et de couverture. Son arrivée à White si c’était bien là qu'ils se trouvaient toujours. Leur présence dans cette grotte... sûr. Elle avait utilisé la bague. Elle savait l’utiliser. Elle pouvait l’utiliser.

Tenant la main de Mcwan, il ferma les yeux et alla puiser au plus profond de lui-même une énergie qui s’apparentait à ce qu’il ressentait quand lui-même la portait. C’était la première fois que sa chevalière était portée et surtout utilisée autant et aussi longtemps par quelqu’un d’autre que lui. D’habitude, elle avait une influence néfaste. Elle pesait. Elle embrumait l’esprit. Tel avait été le témoignage d’Enki auquel il l’avait prêté temporairement lors d’une mission. Enki s’en était très vite défait et avait du la porter autour de son cou et cesser de l’utiliser. "Trop de cauchemars. Trop d’angoisses", avait jugé le Lieutenant.

Sacha concentra tous ses efforts jusqu’à imaginer que la chevalière était passée au bout de son annulaire droit. Dans ses représentations intérieures, il agissait instinctivement. Il ne savait pas à quoi sa petite expérience était supposée mener. Il superposa spirituellement la représentation mentale de la chevalière où elle se trouvait actuellement et de la chevalière où il la portait habituellement. L’espace d’un bref instant, il eut l’impression de se balader à l’intérieur de l’âme moutonneuse, enflammée et agitée de McEwan. Ce n’était pas de la légilimancie. C’était plus que ça. Indescriptible. Il avait littéralement la sensation de voir tout ce qui se trouvait en elle. Pas l’histoire. Le reste... Sensations. Sentiments. Peurs. Et surtout, il visualisait avec une acuité dérisoire l’endroit exact où se trouvait le flux magique dont il avait besoin pour actionner le pouvoir de la chevalière. Pouvait-on réellement situer l’endroit de soi où la magie était logée ? Non. Pas aussi simple. Plutôt compliqué même. Une certitude aveugle. Une localisation sensorielle sans contingence. Une faculté métaphorique. Il ressentit cette révélation avec tant de force que lorsqu’il commanda à la main de McEwan de produire le feu dont ils avaient besoin pour ranimer la grotte, il crut l’espace de quelques secondes que leurs deux corps et leurs deux âmes abstraites ne faisaient plus qu’une. Dans l’âtre naturel creusé près d’eux, le feu irradia dans l’atmosphère humide de la caverne et se mit à crépiter paisiblement.

Sacha reposa la main de Mélusine sur son torse. En dessous de la cicatrice blanche qui le pourfendait.

- OK. Soit. Il se passe quelque chose d’étrange, Spirite, s'adressa-t-il aux ombres de la caverne.

Bouse ! Quel dilemme tordant, n’était-il pas ? Pendant une seconde, il se projeta dans une version de lui où il passait le reste de sa vie allongé sur des capes de merde dans les bras de cette furieuse qui était loin d’être un modèle de beauté, qui avait des seins d’une taille - d’une existence ? - plus que discutable et que, moins d’un an auparavant, il trouvait antipathique, bêcheuse et inutile. Une petite rouquine énervante pour laquelle oublier tous ses combats lui seyait étrangement bien aujourd’hui. Horripilant. Désopilant.

Il se mit sur son coude, replia son bras et posa sa tempe dans la paume de sa main pour la regarder encore un peu. Pas longtemps. Juste ces dernières secondes. Le temps que les envies absurdes déguerpissent à coup de sagesse ronflante. Puis il lui caressa doucement la joue. Il attendit un signe ostensible lui prouvant qu’elle revenait à elle. Qu’elle était sur le point de se réveiller. Quand elle fut tirée des songes, il lui pinça la joue droite avec fermeté, comme certains adultes abrutis font aux enfants :

- Maaaaaaaacéééééééouaaaaaan ! Deeeeeboooout... C’est l’heure du petit déjeuner ! Plaisanta-t-il d’une voix qui se caricaturait et sans lui lâcher la joue pincée tant qu’elle ne l’avait pas repoussé en mâchouillant quelques insultes.

Il attendit la dernière seconde, la fin du dernier étirement et le premier son de la première consonne de sa brochette d’insultes, de vociférations, des consternations et des contestations sauvages pour l’emprisonner dans ses bras et sentir toute cette femme - de ses pieds à sa tête rousse, de ses seins ridicules à son bassin élancé - se lover contre lui avant le reste de peu-importe-ce-que-serait-sa-vie-désormais. Eveillé(e)s. Sûrs de leurs mouvements. Des appels des corps. Des réflexes cardiaques qui font trembler l’échine et courber la tentation.

Ils restèrent silencieux un long moment avant qu’il accepte de desserrer son emprise. Délicatement, à regret mais avec détermination, il lui rendit son corps. Poumons gonflés pour reprendre son souffle. Sourire doux et rassasié qui ne rien regretter. Qui ne rien révéler. Qui ne rien trahir qui ne fut déjà ressenti et partagé.

Alors, le temps des railleries reprit. Il la regarda avec son air prétentieux ressorti des tiroirs de son adolescence. Dépoussiéré et actualisé à la sauce Amiral.

- Je savais que tu allais craquer... je te l’avais bien dit que j’étais irrésistible, fanfaronna-t-il pour l’énerver en se mettant de nouveau sur son coude.
- Pfffff ! Oh l’autre alors ! Oh l’autre alors ! N’importe quoi alors ! Le contra-t-elle d’une voix aussi suave et féminine qu’un tricératops croisé avec un Croup mal nourri et aussi accrocheuse et émouvante qu'une moissonneuse batteuse en panne. TU as craqué le premier, ouais !
Il sourit. Embrassa le bout de son nez pour la faire taire d’une affection. La moissonneuse lui labourait les oreilles.
- ... On saura jamais, reprit-il sur une note voilée d’un faux mystère. Mais tu choisis super mal tes moments. Tu te rends compte ou pas ?

Question rhétorique. De la légèreté. Encore et toujours. De la légèreté pour mieux faire passer l’impassable. L’impensable. Le sourire était plus mince, plus tendre. Amoureux et désespéré, mais amoureux. Les yeux d’une femme n’auraient pu s’y tromper. Les siens qui avaient désormais une fenêtre ouverte jusqu’à son âme auraient été bien bigleux de ne pas le voir.

L’ombre de ses sentiments s’englua dans une constatation plus regrettable encore. Il la lui résuma bien. Aussi succinctement et efficacement que possible :

- Je dois rejoindre Antarès.

Silence. Soupire. Satire. Blablabla. Pif-paf-pouf. C’était tellement énorme que l’information ne pesait pas encore tout à fait son poids dans la balance de ses inquiétudes. Il laissa tomber sa tête dans les capes. Se frottant le visage pour se frotter les idées. A travers ses mains en masque, il poursuivit d’une voix lasse et d’un ton qui aurait aussi bien pu fonctionner pour la récitation de la liste des courses :

- Parce qu’il libère les Soumis en échange de mon allégeance, parce que je vais être père, parce que la vie, parce que la mort et toutes ces choses sublimement cons... De toute façon, j’apprends jour après que la connerie humaine est sublime. Bref.
Parce qu’en prenant une seule décision, je vais pouvoir lutter et fuir en même temps.


Évidemment, elle était une partie de ce qu’il allait fuir. Il savait qu’elle savait.
Conviction bancale. Savait-elle vraiment ? Acceptait-elle vraiment de constater à quel point les choix à son égard étaient restreints ?

- Parce que Charlotte, se braqua-t-elle légèrement.

Oui, songea-t-il, elle savait visiblement à quel point. Elle avait enchaîné sa réplique sur le même ton que lui et rapidement. Comme si, en ne le laissant pas échapper maintenant, elle n’aurait jamais pu le dire. Il s'arrêta un moment de parler. Évalua ce qu’il était bon de répondre ou de taire en jaugeant son regard. Il écarta un doigt de son visage pour libérer l’œil droit qui alla visiter le visage de McEwan. Il referma le rideau digital aussitôt. OK. Son regard avait fui. Résultat ? Décision prise. Il raffermit sa main sur sa hanche. Ne pas répondre directement. La laisser supposer seule les réponses à de telles questions. D’ailleurs, avait-elle posé un point à la ligne ou un point d’interrogation à la fin de 'Charlotte' ? Son intonation rapide avait rendu l’inflexion évasive quant à la ponctuation. Une affirmation blessée à demie réprobatrice ? Une question qui avait besoin d’une réponse rassurante ? Il décida qu'il avait entendu une virgule sans complément circonstanciel qui suivait.

Il n’y avait pas à se voiler la face ou à développer une nouvelle fois. Il ne céda pas son intérêt sur ce terrain là.

- Dès que Charlotte aura accouché, j’adhérerai à l’Opposition... et j’aurais besoin de toi. Encore.
Si tu veux... Parce que tu me sauves bien, tu sais.


Comme si bien sauver quelqu'un ou le mal sauver était un jugement de valeur qui aurait en posséder une, de valeur.
Tentative avortée d’humour. Il écarta les mains de son visage et sauta sur l’idée suivante avant qu’elle ne se fasse la malle.

- Je... tu... sais que dans mes rêves, j’ai toujours l’impression que tu es... Que ça soit dans le Poudlard Express, dans le Clocher de la Forêt Interdite ou au pied de mon chêne, tu m’as toujours l’air si... présente. Ca me perturbe, termina-t-il en changeant de sujet comme si sa révélation précédente était anecdotique. Manière outrancière de retrancher le drame à une information en elle-même insoluble.

Unique satisfaction... Elle était toujours nue. Il n’était guère plus vêtu.
Mais il se sentait à l’aise comme si le Naturel avait gommé les vêtements d’apparat pour ne laisser la place qu’à l’essentiel. Eux.

"On ne disparait pas. On ne s’efface pas.
Rien ne se crée, rien ne se perd. Tout se transforme.
On fusionne."
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeMar 17 Mai - 20:47:30


Ses pensées de premier plan (AntarèsSoumisAllégeanceOpposition) étaient tellement énormes qu'elles stagnaient là, immobiles. Statiques. Incapables d’évoluer ou d'involuer. AntarèsSoumisAllégeanceOpposition. Un fabuleux gros mot. Elles occupaient tout l'espace, ces pensées-là, faisant le siège de sa tête et réquisitionnant son attention. Pourtant, des petits mots, plus fluides, plus aériens, s'infiltrèrent à leur tour, discrets petits chevaux de Troie. Ils bousculèrent AntarèsSoumisAllégeanceOpposition avec douceur. Avec dynamisme. Avec fièvre. Et Mélusine profita de l'assaut innocent pour envoyer les pensées premières se calfeutrer dans un coin d'oubli. Bannies. Enfermées à double-tour. Elle les rappellerait quand elle aurait réussi à leur trouver un sens. Ça tempêtait bien un peu derrière la porte close mais il suffisait de faire preuve de volonté et de fermeté, comme face à un caprice quelconque. Elle avait toujours été du genre têtue. Aussi n'y avait-il qu'à les ignorer et elles finiraient par se calmer d'elles-mêmes et acquérir un peu de discipline en silence. Hop. AntarèsSoumisAllégeanceOpposition: 0 / Mélusine : 1.

Les petits mots, quant à eux, flottaient maintenant sous son crâne. S'y lovaient. L'imprégnaient. Lentement mais avec foi. Il y avait « rêve », il y avait « tu es », il y avait aussi « Poudlard Express », « Forêt Interdite » et « mon chêne ». Il y avait, enfin, « si présente ».

*J'ai fait cet étrange rêve
Où nous étions tous deux
Insouciants et reclus
Sur nos deux corps presque nus
Étouffés par la lumière
Les yeux crevés par des éclats de verre
Nous restions là*


Ces mêmes petits mots lui arrachèrent un sourire timide, qui s'épanouit insidieusement sur son visage et la firent se sentir, soudain, presque vulnérable. La barrière qui s'était dressée, farouche, un peu plus tôt, venait de s'effondrer sans un bruit. Ce n'était pas une impression désagréable, en soi. Juste un peu déroutante. Elle se rappelait détester éprouver ce genre de fragilité mais avait oublié pourquoi.

Allongée sur la ventre, son menton calé dans la paume de sa main, la tête légèrement de côté, tournée vers de Lansley, elle le dévisagea alors avec intensité. Son propre visage, apaisé par ce sourire doux qui refusait de déserter, trahissait le fil de ses pensées. Combien l'idée qu'il puisse rêver d'elle, à répétition, lui plaisait. Rien à voir avec un orgueil féroce ou une satisfaction égocentrique. Ou alors, juste un chouïa.



Oh, et puis, si, elle aimait ça. Elle aimait ça comme c'était pas permis.
Elle trouvait du réconfort dans cette révélation qui lui avouait une place solide bien qu'immatérielle dans son existence à lui. Même involontairement. Même malgré lui, il lui réservait un petit espace rien que pour elle. Ainsi, même hors de portée de main, loin des yeux, il lui appartenait un peu. Et, en symétrie, elle lui appartenait un peu, également.
Parce qu'elle rêvait aussi.
Parce qu'il envahissait ses nuits bien mieux qu'il ne désertait ses jours.

*J'ai fait cet étrange rêve
Où nous étions tous deux
Auréolés de bonheur
Sous des centaines de soleils qui pleurent
La peau rapiécée par des fils
Sortant de nos talons d'Achille
Nous restions là*


Rêve après rêve, nuit après nuit, il était là, toujours. Souvent, se corrigea-t-elle. Pas toujours.

Ça avait commencé avec le Sri Lanka, quand elle s'était écroulée de sommeil contre lui, à Passa. Passa, encore. Pourquoi toujours Passa? Il y avait dans l'omniprésence récente de cet épisode-là quelque chose de déroutant. Dérangeant. Déconcertant.
Après, elle s'était forcée à oublier et estimait y être plutôt bien parvenue. Ça n'avait été que la conséquence d'une accumulation de fatigue et de faiblesse. Elle était un être humain. Elle avait le droit d'être faillible, comme tout le monde.

Plus tard, il y avait eu Ottawa. Édimbourg. Le coma. Les heures décadentes, imprégnées du doute et de la peur de le perdre. Ses barrages effondrés par l'angoisse. Tout ce temps consacré à le ramener. Et ce soir-là, où, à peine endormie, il lui était apparu en rêve.
Oui, c'était à ce moment-là qu'avait commencé l'énumération onirique. Les premiers temps, les images avaient été un peu floues, décousues. Puis, peu à peu, ses rêves étaient devenus d'une clarté troublante, d'une précision inouïe, d'un réalisme fascinant. Tout y était d'une justesse et d'une intensité incroyables, Plus encore que des paysages émotionnels et intérieurs, ils étaient à ses yeux comme d'authentiques fragments de vie baignés d'une lumière et d'une authenticité prodigieuses. Si elle n'avait pas craint de sombrer dans une folie destructrice, elle y aurait volontiers plus cru qu'en ses quotidiens ternes. Les réveils étaient toujours bancals et teintés d'une amertume nostalgique quand elle se devait de constater que ces instants n'existaient que dans sa tête. Il lui arrivait d'ailleurs parfois d'agir comme si la réalité n'était que fictionnelle et que ses chimères, elles, étaient véritables. Elle se levait, alors, tout sourire dehors, nimbée d'une bonne humeur inoxydable, les pensées pleines de lui pour entamer sa journée avec un optimisme débordant. La veille, ils s'étaient exilés dans un petit village moldu ou une station en bord de mer. Sauf que, bien sûr, la veille, comme tous les autres jours passés et à venir, Mélusine s'était auto-envoyée en repérage, en mission ou en réunion préparatoire au Q.G.. Depuis août, elle accumulait les occupations, s'investissant dans tout ce qui se proposait à elle. Quand la réalité monotone la rattrapait, elle se retrouvait alors violemment confrontée à son absence et au manque de lui. L'écart entre ses nuits et ses jours se creusait toujours un peu plus. Elle en était venue à développer une addiction aux rêves. Oui, exactement, elle en était devenue dépendante, comme une drogue, les hallucinations en moins. Quoi que... Il lui était même arrivé, un soir, de s'emporter contre Morgane, qui avait juste eu le malheur d'organiser une soirée de dernière minute où sa présence était bien évidemment requise, avec, au programme, nuit blanche et tout le toutim. « Sleepless night » était synonyme de « dreamless night ». Elle avait fini par accepter, par peur de virer complètement déséquilibrée. Elle était devenue instable et peinait à s'en cacher.

Refusant de se dissiper au réveil, ses rêves s'accumulaient comme autant de souvenirs, que la réalité peinait à ravaler au rang de simples excursions fantasmatiques. Mélusine s'était donc mises à la transcription de ses songes dans son précieux carnet avec d'autant plus d'acharnement qu'elle se devait d'effectuer un classement efficace de ses fictions, ses illusions contre les réalités. Elle archivait le tout, comme un témoignage de l'existence de ses autres vérités. Et tant pis si personne n'était à même de comprendre. Personne aurait de toute façon été bien en peine de découvrir quoi que ce soit. Elle n'avait jamais réussi un aussi bon sortilège Anti-Catimini.

Et si le Poudlard Express albinos, le petit refuge en pleine Forêt Interdite, et tous ces autres lieux semi-imaginaires n'existaient que dans sa tête, c'était presque tant mieux. Personne (toujours lui) ne pourrait pénétrer son univers secret, le piétiner, le mettre à mal.

Il resterait inviolable, immaculé, juste pour elle.

'Attend une minute...'

?

'Le Poudlard Express.'

Le Clocher de la Forêt Interdite .

'Le pied de son chêne.'

La symétrie de leurs réalités alternatives venait tout juste de la percuter.
Mais ce n'était peut-être rien d'autre qu'une coïncidence.

'Tu n'as jamais beaucoup cru aux coïncidences...'

C'était vrai.
Enfin, quoi... L'idée qu'il se soit incrusté dans sa tête pendant qu'elle dormait était presque ridicule...

'Pas déplaisante?'

Non. Juste saugrenue.
Et puis, ça aurait pu justifier qu'il soit au fait du Poudlard Express, et du grand chêne perdu au milieu des Highlands, mais pas de l'épisode de la cabane. Sans compter qu'il y avait un HIC. Tout en majuscule. Pourquoi, ô grand pourquoi, de Lansley s'amuserait-il à faire passer ses rêves à elle pour les siens à lui? C'était un non-sens absolu.

Il y avait une autre option, bien sûr. Qui l'avait effleurée et qu'elle avait rejeté d'office parce que... elle lui plaisait un peu trop et l'effrayait beaucoup plus. Parce que c'était juste complètement fou.

*J'ai fait cet étrange rêve
Où nous étions tous deux
Torturés par nos désirs
Comme deux jeunes amoureux
Immobilisés par la souffrance
De devoir apprendre à être deux
Nous restions là*


Non. C'était juste du grand n'importe quoi.

Un peu plus tôt... ou bien était-ce hier? Emmett avait laissé entendre au détour d'une phrase qu'un miroir (petit m) était supposé être une fenêtre sur la vérité. Ou quelque chose dans le genre. Elle n'avait jamais été très douée en citation... Mais elle n'était pas le Miroir (grand M). Pas vraiment. Pas encore. Elle se sentait parfois comme un puzzle incomplet. Au potentiel latent, juste là, à portée de main. Une petite pancarte entre les mains: « en devenir ». Prière de patienter.

'Moi, je pense que, même en devenir, tu peux sentir des, hem, choses.'

Même que ça s'appelait l'instinct.
Elle avait besoin de réfléchir.


« Attend-moi. Ne bouge pas. » finit-elle par dire, glissant l'ombre d'un sourire en bout de phrase.

Elle était toujours tournée vers lui mais il avait sûrement dû percevoir cet instant où le regard, sans bouger, s'envolait vers l'intérieur, regardait sans voir. Ses yeux lui étaient revenus le temps de sa prière. Déjà, elle s'emparait de l'une des capes pour se prémunir contre le froid. Bien enroulée dans le tissu tiède, elle gambada rapidement jusqu'à son sac pour revenir tout aussi vite, sous les épaisseurs de capes.


« Je voudrais jeter un coup d'œil à ton dos... » , argua-t-elle sans vraiment lui laisser le choix. Elle s'était d'ores et déjà glissée derrière lui et découvrait la peau maltraitée et couturée de cicatrices. « Je me pose des questions. », précisa-t-elle, non sans humour.

Elle laissa courir ses mains sur la chair endommagée de son dos, suivant le dessin des blessures, les massant du bout des doigts. Dans un petit pot, elle récupéra un soupçon de crème fabrication maison, idéale pour apaiser la douleur. Il n'en avait pas vraiment besoin. Mais elle, si. C'était un prétexte pour le toucher comme pour se concentrer. Elle avait besoin de faire le vide et elle savait que tant que Sacha la regarderait, elle ne parviendrait pas à complètement s'abstraire de cette réalité-là. Et elle pouvait difficilement lui ordonner de regarder ailleurs. Elle fit pénétrer la pommade à gestes lents, jusqu'à ce que ses mouvements deviennent fluides et spontanés, jusqu'à ce qu'elle ait l'espace de vagabonder sur les chemins du subjectif, de l'imaginaire et de l'intangible.

Mélusine revint à cette fameuse pensée qui l'avait effleurée et qu'elle avait laissé filer.
Serait-il possible que...? Comment s'expliquer la nuance sans se considérer elle-même comme passablement dérangée ou déraisonnablement imaginative?
Serait-il possible, donc, que, d'une façon ou d'une autre...?
Enfin, est-ce que la legilimancie à distance, ça existait? Elle avait toujours été particulièrement rebutée et allergique à tout ce qui touchait à l'esprit et aux pouvoirs psychiques. Et l'occlumancie était, pour elle, juste un terme déraisonnablement long.

'Il t'a un jour expliqué qu'il ne faisait pas vraiment de la legilimancie...'

Quand bien même...
La « pas vraiment de la legilimancie » à distance, ça existait?
Ou, si elle allait encore plus loin, était-ce possible de voyager à travers l'espace pour retrouver l'essence de quelqu'un alors qu'on dormait.


Où va-t-on quand on dort? Qui rejoint-on? Est-ce que ça n'est pas seulement quand la nuit tombe qu'on devient libre, sans entrave? Voyage-t-on? 

Depuis un moment, maintenant, elle avait de toute façon dépassé les frontières de l'intelligible et du sensé. Un peu plus, un peu moins...

Ou peut-être qu'elle était juste folle.
Peut-être.

'Il n'y a qu'un moyen: se renseigner.'

Bien sûr. Elle allait le regarder dans le blanc des yeux et lui poser la question tout de go. Certainement pas.

Non. Elle ferait ça à la McEwan. Ne restait qu'à déterminer ce qu'était exactement ''à la McEwan''.

D'elles-mêmes, ses mains s'étaient attardées sur la cicatrice toute fraîche qui meurtrissait son dos. Du bout des doigts, elles en suivaient le dessin, songeuses, comme en reconnaissance. Ce contact appela ses yeux qui tombèrent sur le tableau de chair maltraitée. Cette marque l'appelait bizarrement, comme si, dans un langage inaudible, elle lui susurrait des choses qu'elle ne comprenait pas mais qu'elle entendait. Ou qu'elle n'entendait pas mais qu'elle comprenait. Qu'elle sentait. Un peu comme si elle percevait quelque chose qui aurait dû lui rester étranger, comme si elle avait épié un secret qui ne lui appartenait en rien mais qu'elle refusait de lâcher. Quelque part, dans sa propre tête peut-être, il lui semblait que quelque chose s'ouvrait. Se démasquait. Se déployait. Y réfléchir, tenter d'y mettre un nom lui titillait une migraine au fond du crâne. Elle avait depuis longtemps renoncer à tout expliquer. Mais pas à tout comprendre.

Finalement, Mélusine effectua un léger détour par-delà le corps du capitaine pour lui faire à nouveau face. Pendant un moment, elle garda les yeux baissés, essuyant les traces de pommade sur le tissu de l'une des capes. Elle réfléchissait à toute vitesse, faisant l'inventaire de ses rêves les plus marquants. Elle en dénicha un, parfait. Elle en rappela chaque détail à sa conscience. Les souvenirs de ses rêves étaient étrangement plus dociles que le reste de sa mémoire. Avec des images plein la tête, elle se leva, oubliant de se couvrir au passage et tandis la main en direction du capitaine.


« Ne me fais pas croire que tu ne peux pas te lever... »

Petite moue narquoise qui dissimulait mal son impatience.
Il fallait qu'il soit en état de se lever. Elle était prête à tout pour ça.
Il lui renvoya sa moue en une expression miroir à trait pour trait égale. Sans baisser son visage sur son propre corps.


- Qu'est-ce que tu ferais pas pour me voir à poil...

Mais ne sachant pas ce qui l'attendait, les raisons de ce soudain regain de vitalité et de mystère, il se leva. Dos, jambes, torse se mirent d'accord pour le faire souffrir un bon coup. Il n'avait pas dégourdi ses jambes depuis un long moment. Il tituba, se rattrapa à Mélusine, sourit en coin, un rien provocateur et amusé que l'accident fit échouer ses mains sur ses épaules.

Elle saisit l'une des mains posée sur son épaule, peinant à dissimuler un sourire qui lui aurait avoué qu'il n'avait peut-être pas tout à fait tort, et elle les guida tous les deux un peu plus proche du feu, jusqu'à ce que la chaleur des flammes leur caresse la peau et leur fasse oublier la fraîcheur ambiante.
Il la dévisagea intrigué et avec une pointe d'incrédulité au fond des yeux.

*J'ai fait cet étrange rêve
Où nous étions tous deux
Massacrés par l'allégresse
D'un lourd sentiment amoureux
À se marteler de questions
À se crier comme il fait bon
De rester là*


Mélusine rougit brièvement en se souvenant soudain qu'il était difficile de faire plus nus qu'eux, rappela ses yeux qui en avaient profité pour dériver un peu bas que son visage à lui et remit ses pensées en ordre. Les images. Le rêve. Metteuse en scène de fortune, elle recréa le tableau pas à pas. Tout d'abord, l'introduction. Elle assura seule le dialogue, marquant un léger silence entre deux répliques:


« Tu danses? »
« Je ne sais pas danser. »
« Ne dis pas de bêtises. »


Elle prit doucement la main de Sacha entre la sienne pour la déposer dans le creux de ses reins. Ses doigts effleurèrent l'épaule du jeune homme et s'y abandonnèrent. Enfin, Mélusine enlaça les deux mains restantes. Sa paume était chaude, agréable. Elle releva la tête et le fixa droit dans les yeux, tête haute, le regard fier, peut-être même un peu provocateur.

« Mais... Il n'y a pas de musique... », poursuivit-elle en tentant de reproduire au mieux leurs intonations d'alors.
« Pas besoin de musique... »


...

« Il suffit juste de savoir écouter. »

...

« Ferme les yeux. »

Et maintenant?

A part l'indice physique qu'il serait bientôt impossible de poursuivre cette danse sans torturer encore plus la
masculinité particulièrement volubile de Sacha...
A part la réaction en chaîne qu'il provoqua et qui envoya une vague tiède lui réchauffer le ventre et s'étirer dans toutes les directions...

Oui, à part ce genre de petits détails... elle était déterminée à pousser son expérience jusqu'au bout.
Elle ferma donc néanmoins les yeux, fidèle à sa propre injonction, non sans avoir émis un bref sourire qui s'était réfugié dans ses pupilles. On pouvait sourire d'amusement et de bonne humeur mais on pouvait également sourire pour une foultitude d'autres raisons sur lesquelles on aurait été incapable de mettre des mots. Un mélange de réconfort, d'exaltation et de désir, que les paupières qui se fermaient étaient bien en peine de dissimuler complètement. Mais elle avait une priorité. De quoi croire encore un instant à la suprématie de l'esprit sur le corps.

Elle ferma malgré tout les yeux et elle attendit.

Si elle se plantait de bout en bout, elle aurait juste, à ses yeux, et une fois de plus, l'air d'une excentrique rousse, un peu dingue. Une excentrique rousse, nue, avec son nom tatoué en lettres dégoulinantes sur le front.


*J'ai fait cet étrange rêve
Où nous étions tous deux
Debout sous un ciel ténébreux
À remâcher les mêmes vœux
Pris dans cette position fatale
À se crier comme il fait mal
De rester là*

© Pierre Lapointe - Nous restions là
20.05.11 - quelques edits, ça et là.
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Sacha de Lansley
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Juil - 12:36:21

Sans subtilité, la nature souveraine déploya son étendard contre le ventre de McEwan. Quand son corps s’affolait, il n’était plus capable de réfléchir. Tout devint d’une extrême confusion, or Sacha méprisait tout ce qui persistait à vouloir lui arracher le contrôle sur la vie, les gens ou les choses. Son corps, instinctif, nécessitait domination. Et plus spécialement maintenant, ébranlé par ces instants fébriles où il devait se montrer maître du moindre geste. La moindre faiblesse de sa garde et il savait qu’il serait emporté. Il ne pouvait pas s’octroyer cette liberté. Pas après avoir tant lutté pour se retenir.

Nonobstant. Difficile de se battre contre ces trois ennemis intimes : désir, tentation et plaisir. Ses trois démons se jouaient de lui depuis toujours. Fut une époque où être leur jouet ne lui posait pas plus de problème que le manque de morale dont il faisait preuve. Quitte pour le sexe et advienne que pourra. Les ecchymoses laissées à l'âme valaient tellement la peine si elles étaient le fruit d'une bonne partie de chasse ou de jambes en l'air.

Auparavant complices, aujourd'hui ennemis, Désir, Tentation et Plaisir maltraitaient sa détermination. Ils se montraient si doucereux et si convaincants!

Ah ! Il aurait été tellement plus commode de se laisser gouverner par eux. De leur accorder cette victoire pour qu’on n’en parle plus ! « Qu’ils l’achèvent et mourir, sans regret, dans les nues érotiques d’une femme à la chevelure de bronze ! » Se perdre contre elle. Baiser cette nuque. Enserrer ce corps qui ne lui avait jamais paru aussi fragile et captivant. Déclencher une trombe de caresses. Se laisse mordre par la fièvre. La prendre aussi sauvagement que son désir le saisissait en cet instant. Oublier femme, enfants et responsabilités pour le bruissement voluptueux de la peau de cette femme contre la sienne. Contre tout son lui. Dans tous les sens. Et contre toute les infamies. Si facile de céder...
Le contact avec McEwan exacerbait donc la présence des trois ennemis au creux de tout atome dont il était composé, rendant le combat pénible et absolument inégal.
Désir, tentation et plaisir étaient de si dangereux ennemis.

Sacha repoussa d’abord la tentation, ignora ensuite le plaisir pour finalement accepter de tuer le désir. Il gagnait. Cette victoire avait un cruel goût de défaite.

Il s’écarta de Mélusine, rompit tout contact le temps d’attirer vers eux l’une des capes dont il entoura la jeune femme, nouant le tissu autour de sa poitrine. Effleurant l'air de rien, le bout de son sein du revers de sa main. Là fut le seul acte érotique qu'il s'octroya. Or, le geste avait des allures accidentelles.
Il renouvela l'opération en s'entourant lui-même d'une autre cape qu'il noua cette fois autour de sa taille. Tout ceci s'opéra sans baguette, sans bague. De la même manière qu’il avait allumé le feu lorsqu’elle dormait dans ses bras, il avait instinctivement fait appel à la magie qu’il ressentait en lui lorsqu’elle portait sa chevalière.


Yeux fermés, distractions visuelles éteintes, perceptions sensorielles décuplées, Mélusine l'avait presque senti se cabrer, se refermer, s'éloigner.
Elle n'avait pas fait un geste pour le retenir, quand bien même elle devinait qu'il lui aurait juste fallu cela, un geste, pour le convaincre, le contraindre à rester contre elle, à plier, à continuer ce que son corps avait suggéré d'instinct. Et, parce que, pour l'instant, peut-être, elle pouvait presque se satisfaire de cette certitude, elle était restée immobile, emprisonnant de toutes ses forces ses pensées dans sa tête pour éviter qu'elles ne le contaminent.
Ces pensées étaient tellement en contradiction avec l'image qu'elle véhiculait parfois d'une petite chose rougissante et pudique.
Parce qu'elle n'avait pas eu envie qu'il s'arrête.
Elle aurait voulu s'envelopper dans la chaleur de son corps, se reposer dans la douceur et la force de ses bras. Mélanger leurs peaux et brouiller leurs frontières. Son cœur militait, à grand renfort de battements sourds, pour le mélange des genres. Annihiler les démarcations. Dépasser les bornes. Elle voulait qu'il la touche, qu'il la prenne, qu'il la fasse enfin sienne pour mieux le faire sien.
Elle avait alors pris la distance qu'il mit entre eux comme une gifle, même si un part d'elle-même, rendue muette et négligeable par l'envie de lui, comprenait et acceptait la, disons, pertinence de son geste. Seulement, la part d'elle-même en question était vraiment nulle pour gérer la frustration. Tout au plus réussissait-elle à la dissimuler au regard d'autrui. Pour peu que le public soit un peu distrait...


Protégé par de vagues tissus et une morale sauve qu’il méprisa plus que son désir pour elle, il s’avance derechef vers elle et se posta en face d’elle. Prendre sa main. Celle qui portait la chevalière. Il mit son pouce dans sa bouche, lécha le bijou, afin de le faire glisser plus facilement au-delà de ses articulations. Il récupéra son bien et le passa autour de son annulaire droit.


Sous la bague qu'il venait de retirer du pouce de Mélusine, il y avait... il y avait son épiderme sur lequel s'était greffé une petite nouveauté. Là où le bijou avait touché la peau de la jeune femme, il y avait désormais un liseré de chair deux ou trois teintes plus roses que sa carnation naturelle. Un premier coup d'œil aurait pu faire croire à de la chair à vif, comme brûlée ou mise à mal, du genre à se changer en blancheur cicatricielle dans quelques jours, mais aucune sensation de douleur n'était associée au visuel. La marque était pourtant étrangement sensible. Si on avait pu appliquer un tel adjectif à ce petit bout de corps, elle aurait dit que l'endroit était vulnérable.
Quand il l'avait effleuré du bout de la langue, Mélusine avait réagi comme sous l'effet d'une caresse beaucoup plus intime. Elle avait frémi mais pas un son n'avait franchi le barrage de ses lèvres.
La marque avait alors pulsé, comme animée d'une vie propre, autonome et indépendante, ou comme si une nouvelle veine, ceignant son pouce, s'y était greffée et battait le rythme.

Alors que Sacha s'était éloigné, elle l'avait touché du bout du doigt, s'étonnant de trouver l'endroit si délicat et sensible. Presque trop, comme si elle touchait à quelque chose qui aurait dû rester... à l'intérieur. La sensation était à la fois étrangère et terriblement familière sans qu'elle soit capable de définir ce ressenti. Plus qu'une trace résiduelle ou un fantôme corporel, c'était... c'était... indéfinissable.
Si elle n'avait pas craint de virer définitivement folle, elle aurait presque pensé que c'était un petit bout de sa magie qui s'était raccroché à elle. La sensation était différente de celle ressentie alors qu'elle portait la chevalière et pourtant, oui, pourtant, c'était peut-être, parmi toute la palette des émotions vécues, ce qui s'en rapprochait le plus.

Elle s'attarda à expérimenter cette cicatrice en devenir, ce qui l'empêcha un temps de sentir dans son ventre la morsure de l'amertume et dans sa gorge le tortillement frénétique de l'anxiété face au silence qui s'était emparé de de Lansley. Voilà. C'était l'exutoire idéal pour s'empêcher de penser.

Elle avait hésité, une fraction de seconde, à le rappeler à elle pour partager son étrange découverte mais elle appréhendait trop sa réaction pour saisir ce prétexte de discussion. Et elle avait trop envie qu'il revienne à elle pour se faire confiance, pour croire qu'elle se contenterait de parler, de montrer, sans passer par les invitations aux expérimentations tactiles. Parce que pour vraiment cerner le « problème », il fallait y toucher, right?
Mélusine pouvait bien attendre, ça n'était qu'un mystère de plus à rajouter à la liste de tout ce qui lui échappait et qu'ils tentaient, à eux deux, de faire basculer du côté compréhensible de la force.


Ignorant tout des effets et de la marque que l'anneau avait laissés autour du pouce de McEwan, Sacha faisait tout son possible pour s'empêcher d'aller lire dans les pensées de l'écossaise. Trop peur d'y trouver, peut-être, un encouragement auquel il aurait eu du mal à ne pas céder. Bien qu'il était des instants où lire dans les pensées ne servait pas à grand-chose attendu que ce qu'on voyait ou ressentait chez l'autre parlait plus nettement que ce que l'esprit lui-même aurait pu confier. Il s'était refermé. Il réfléchissait. Son visage était dur et impassible.
Elle aurait pu imaginer qu’il lui en voulait pour une raison obscure. Il tardait à réagir verbalement à la petite mise en scène dont il avait compris dès la troisième réplique à quoi elle faisait référence. Il avait passé le reste de la danse à s’occuper de maîtriser ses instincts et - lorsque la défaite fut proche - à les combattre férocement.

Sortant de son mutisme après quelques minutes et allers-retours contrariés de la pupille entre le foyer et elle, Sacha posa sa main sur son entrejambe. Pour le couvrir, le protéger, le séparer symboliquement d'elle. Comme on aurait posé sa main sur ses yeux pour ne pas voir la vérité en face. Pour y faire référence, en place et lieu d'une menace virile. Il fit les gros yeux à Mélusine. Sa voix grave vint fouetter l’air tiède.

- Ne m’approche plus comme ça... je ne suis pas un saint. Tu le sais.

Le feu frétilla dans le foyer, faisant danser des ombres sur leurs visages. Spécialiste de la douche écossaise depuis qu’il était ballotté par ses appétits et ses devoirs, un sourire réconfortant remplaça l'air de reproche. Il aimait la bousculer. Mais non, pour de vrai, il n’était pas fâché. Il ne lui en voulait pour rien. Il était le seul, dans cette grotte, qu’on pouvait remettre en cause.

- Tu rêves dans ma tête, reprit-il en rompant le ton et en allant s’asseoir le plus loin possible
de l’endroit où elle se trouvait. Son corps était en train de se calmer et ses esprits lui revenaient. Ou c’est moi qui rêve dans la tienne. Étrange... Dans les dernières lettres que je t’ai envoyées, je te raconte un de mes rêves... il faisait partie de ces terrains oniriques originaux où tout est surprenant de réalité. Si pour une raison ou une autre, nous sommes unis par se biais là, je...

« ... n’ai plus envie de vivre éveillé... » Pensa-t-il dans un éclair mutin de l'iris.

- ... pense que nous devrions nous poser des questions sur le lien dont a parlé la Spirite, dit-il à la place. J’ai menti quand je t’ai dit que je ne voulais pas que tu sois le Miroir. Je sais que tu es le Miroir. Et ça me fait... peur.

Beurk. Pouah ! Dégueulasse. Dégueulasse ! Il détestait quand il avait à le dire à haute voix. La chose arrivait rarement – qu’il ressente la peur, la vraie qui hérisse le poil – et quand cela arrivait, il se gardait bien de le confier à qui que ce soit. Il trouva en cet instant qu’il était plus judicieux de ne pas le cacher à Mélusine. Elle devait savoir qu’il n’avait aucune idée de ce qu’impliquait cette attestation. « Tu es mon Miroir ». Que signifiait cette affirmation - attestation ? décision ? constatation ? - et qu’impliquait-elle ? Leurs sentiments paroxysmiques n’étaient-ils irrémédiablement que le résultat d’une vieille prophétie ou les ressentaient-ils réellement ? N’était-ce qu’organique, instinctif, animal ou était-ce sentimental ?

S’il existait des réponses à ces questions, il ne se sentait pas d’en ignorer les réponses sous prétexte qu’il en avait peur. Fuir les incidences de la prophétie ne les aiderait jamais à comprendre. Pis! Pour être honnête avec lui-même, fuir les incidences de la prophétie signifiait peut-être ne plus entretenir ce lien étrange avec elle, or il ne le souhaitait pas. Il le savait et il n’aurait pas eu l’hypocrisie de penser le contraire. Il se sentit assez fou pour croire qu’il pourrait se satisfaire qu’elle soit, de manière littérale, la femme de ses rêves.


Elle aurait pu s'en contenter. Elle aurait dû s'en contenter. Mais Mélusine n'aimait pas à être contrainte aux devoirs et aux pouvoirs. Elle n'y arrivait tout simplement pas. Parce que ça ne lui suffisait pas d'être le Miroir. C'était tout le problème, depuis le début, n'est-ce pas? C'était également la raison, à moitié avouée, qui l'avait empêchée de répondre clairement à Isis, un peu plus tôt sur l'échelle du temps. Elle refusait de s'accepter en tant que Miroir tant que lui ne l'acceptait pas en tant que telle.
Il n'était question ni de volonté ni de caprice égocentrique. C'était juste ainsi qu'elle ressentait les choses, au fond d'elle-même. Ça ne l'intéressait pas d'être "le" Miroir. Elle voulait être "son" Miroir.
Néanmoins, et parce que c'était la première fois depuis Ottawa que le sujet osait revenir entre eux et parce qu'il y avait au fond de son intonation quelque chose qui lui plaisait, dans toutes ses nuances complexes et expectatives, dans l'émotion qu'il laissait affleurer dans le moindre de ses mots, et parce que tous ces mots et toutes ces nuances une fois assemblées venaient panser une entaille que le doute n'avait eu de cesse de titiller, venaient calmer et apaiser ce quelque chose que l'existence seule de Sacha de Lansley sollicitait, elle osa la question. A voix basse, d'un ton doux, à mi-chemin entre la prière et l'incertitude c'est-trop-beau-pour-être-vrai.

- Alors... tu veux bien être mon Gardien.

Elle découvrit une affirmation là où elle avait pensé une interrogation. Et elle aima entendre ces mots sortir de sa bouche, quand bien même elle les trouva un peu tremblants. Elle aima surtout avoir été capable, enfin, de les formuler à voix haute... quand il était éveillé.


- Je suis désespérément à toi, sourit-il comme il avait envie de la rassurer et de la réconforter. Et, avec assez de douceur mêlée à sa dureté naturelle, pour qu'elle comprenne bien qu'il n'était pas supposé lui faire de tel serment. Mais il était honnête. C'était avec un désespoir certain qu'il était à elle. Gardien. Parce qu'il n'y avait rien de plus fort, de plus original ou de plus singulier qui aurait pu décrire leur lien. Il n'appartenait qu'à eux de donner tout son sens à cette étrange qualité. Gardien. Miroir.

Il fallut lire les courriers envoyés jusqu’ici pour découvrir que ce n’était pas la première fois qu’ils rêvaient en commun. Plutôt que de rendre cet insolite état de fait pesant, Sacha s’en amusa. L’idée avait l’air de lui plaire. Il l’asticota alors pour savoir à qui appartenait tel ou tel évènement. Tel ou tel caresse. Telle ou telle parole.

Il se demanda si elle rougissait derrière les ombres de la grotte. Il ne voyait pas bien son visage mais il aurait préféré qu’elle rougît sans pour autant réfuter l’agréabilité de certains des songes... Ils n’eurent pas la même dimension maintenant qu’il comprit qu’ils les avaient vécus en commun.


- Ca n'est pas du "comme ça", c'est juste que j'ai envie... j'ai besoin de... je voudrais...

Sans réussir à terminer sa phrase, elle avait achevé de s'approcher de Sacha à petits pas précautionneux pour s'asseoir à côté de lui, en serrant sa cape contre elle du mieux qu'elle le pouvait. Ainsi positionnés, seuls quelques fragments de leurs épidermes étaient en contact. Son bras avait frôlé le sien et il n'avait fait aucun mouvement pour reprendre ses distances. Dans l'obscurité, elle avait émis un maigre sourire.

[...]

Au lieu de se refermer comme une huître, fidèle à son habitude dès qu'on prononçait ou que ses yeux tombaient sur le nom de Charlotte de Lansley, elle avait laissé poindre les émotions. Les nier, les cacher ne les auraient pas rendues moins vraies. Oui, le simple énoncé de son nom la heurtait, faisait grimacer son cœur et poindre des aigreurs jusqu'aux confins de sa poitrine mais elle avait appris à composer avec, un peu contrainte et forcée mais également poussée par le sentiment étrange du besoin de comprendre, de savoir et d'accepter.

Mélusine pouvait supporter qu'il y ait eu quelqu'un dans sa vie et que ce quelqu'un y resterait quoi qu'il en soit. Enfin, disons qu'elle réussissait à l'accepter la plupart du temps, quand elle prenait du recul et empêchait ses sentiments de venir s'en mêler. S'emmêler.
Oui, elle pouvait le supporter tant qu'il faisait preuve d'une si belle honnêteté, de sincérité et qu'il ne tenait pas ce bout de lui à l'écart. C'était tout lui qu'elle avait accepté. C'était lui entier qu'elle aimait. Pas juste de petits fragments simples, plats et sans-arrière plans dérangeants. Ça aurait été trop facile. Et, en dépit des apparences, Mélusine McEwan n'avait jamais aimé se contraindre à la facilité.
Elle pouvait même supporter l'idée qu'une autre ait pu, puisse et pourrait le rendre heureux, à la condition de ne pas lui demander d'y penser trop fort, d'aduler cette autre ou de lui coller ce bonheur sous le nez.

Elle peinait à saisir toutes les nuances exactes de ce qu'elle pouvait ressentir à ce sujet-là et n'avait pas envie de s'y étendre plus que de raison.
Mais elle ne pouvait pas non plus l'ignorer ou laisser le tout sagement de côté.

C'était venu. Ça reviendrait. Et ça repartirait. Un aller-retour sans véritable fin.


Leurs ventres leur rappelèrent modestement qu’ils n’étaient qu’humains. La faim leur servit d'alibi pour ne pas s'étendre d'avantage sur la bizarrerie de partager des rêves. Il évita soigneusement les autres thèmes mentionnés dans leurs échanges. Ceux-ci feraient peut-être l'objet d'une autre discussion, un autre jour... Ca serait mieux, ça serait plus sage.

Ils relevèrent pour conclure qu'il avait déjà été fait mention que les sorciers pouvaient partager un tel lien et que les explications étaient diverses. Ils se souvinrent d'Harry Potter et de Voldemort.

Sacha questionna ensuite McEwan sur l’endroit où ils se trouvaient, la manière dont elle était arrivée. Elle lui raconta la magie déployée, la chauve-souris, l’homme qui gisait à côté de lui à son arrivée, l’être de l’eau, la grotte. Pour souligner une nouvelle particularité de la magie, Sacha expliqua à Mélusine qu’il avait été capable de faire de la magie sans sa chevalière, sans sa baguette – qu’il ne retrouvait pas – mais en utilisant ce qui se trouvait en elle. La magie qui était en elle.

La faim cria encore. Il était temps de s’activer et de quitter ce no man’s land.
Vêtements, besaces, baguettes. Il retrouva la sienne sous l'amoncellement de capes qu'ils firent disparaitre.
Ils se tinrent prêts à partir.


Conséquence du cas de conscience d'une Mélusine sur le départ ou étrange protocole de remerciement, la jeune femme tint à laisser quelque chose à Saytann. Elle baragouina des mots épars sur les coutumes écossaises liées à l'hospitalité dans l'espoir de convaincre elle-ne-savait-qui qu'il ne s'agissait pas d'une lubie. Toujours était-il que, lorsque la paroi rocheuse se referma sur ce qui avait été leur havre de fortune, un petit bol gisait dans le grand vide qu'ils laissaient derrière eux. En son sein, des fragments, comme des éclats de chocolat, aux couleurs vives et joyeuses. C'était des "éclats de rire". Il suffisait d'en laisser fondre un sous la langue (ou de le croquer, à chacun ses préférences), pour se dérider et s'esclaffer. L'effet n'était pas seulement physique mais également émotionnel. Un peu comme un charme d'allégresse mais en plus puissant... et en plus bref. Mais la sensation était véritable. Elle n'avait rien trouvé d'autre à offrir. Elle n'était pas certaine que les Êtres de l'Eau aiment le chocolat ou les patacitrouilles que contenait son sac. Et, à partir de rien, le choix d'offrande était limité.


Avec la magie de la chevalière, ils soulevèrent la masse rocheuse qui fermait le passage vers leur caverne et s’en allèrent affronter le givre de l’Antarctique.

Sacha tenait absolument à ramener le corps de Shawn Page auprès de sa famille. Il fallait retourner le chercher.
En chemin, ils évoluèrent main dans la main. Visages baissés. Baguette et poings dirigés devant eux. Sortilèges boucliers pour se protéger de la tempête qui s’était levée.

Sacha ne trouva pas de meilleur endroit qu’au milieu de cette tempête bruyante pour tenter de lui parler en criant à travers les bourrasques :

- On doit retrouver les autres. On doit découvrir ce que la prophétie attend réellement de nous...

Suspension. Il n'avait pas terminé de parler. Une idée, une envie, restait pendue à son cœur. Il fallait le lui dire avant de quitter cette île.
Le vent chargé de neige s’engouffrait dans sa gorge malgré le bouclier. Difficile de parler et de se faire entendre. Même en criant. Ah ! Il avait tant pensé sur le chemin. Ses pensées l'avaient tant torturé. Il avait envie de lui dire. Maintenant.
Agacé par la tempête qui les empêchait de s’entendre et d’avancer, Sacha attira brutalement Mélusine contre lui et l’obligea à lui faire face le temps qu’il termine sa réplique. Elle sortit comme un feu de sa gorge et de ses yeux. Il était essoufflé par l'urgence et l'excitation plus que par leur marche.
Afin d’être stable dans la neige, il transforma son bouclier en dôme, obligeant celui de McEwan à faiblir pour être englouti par le sien. Le blizzard se recroquevilla en un bruit sourd qui frappait à la membrane translucide et spongieuse qui leur servait de paravent. La tempête soufflait autour d’eux sans les atteindre.

Le silence soudain lui claqua aux oreilles :

- Donne-moi dix jours de toi... c’est mon anniversaire. Fais-moi ce cadeau. Donne-moi dix jours de toi et ensuite nous complairons à tous les « il faut »... Dix jours de silence.
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeSam 13 Mai - 0:16:46

Dix jours de solitude.
Dix jours de liberté.

Et ça lui tomba dessus, comme ça, sans prévenir. Là, au beau milieu de nulle part, avec un cadavre sur les bras (c'était une expression), une tempête en arrivage aux allures d'apocalypse arctique (c'était une impression) et AntarèsSoumisAllégeanceOpposition qui n'attendait qu'une faiblesse de sa part pour lui manifester son bon souvenir. Pas de faiblesse, cependant. Plutôt une force étrange qui refusait obstinément de décramponner.
Sept lettres, trois voyelles, quatre consonnes, plein de synonymes et pas assez de mots dans la langue anglaise pour s'offrir une définition potable. Alors, oui, là, sans prévenir, le bonheur lui tomba dessus, même sauvagerie que celle avec laquelle on tombait en amour, même caractère inattendu, elle suivant le mouvement, entraînée dans la course avec l'envie folle de ne jamais s'en relever. Avec la certitude désespérée de ne jamais s'en remettre vraiment. Elle avait d'ores et déjà, et depuis longtemps, abdiqué et accepté ce qu'il lui faisait ressentir. C'était une raison suffisante pour ne pas non plus lutter contre un peu de bonheur. On ne refusait pas la main que la vie semblait parfois vouloir vous tendre.
Tout ce bonheur, brutal, sauvage, sans préavis, faisait un nœud dans sa gorge, comme s'il hésitait entre le rire et les larmes. Ses lèvres, entrouvertes pour laisser échapper quelques mots, se contentèrent de gober un peu de vide. Grand embouteillage émotionnel du côté du larynx, avec extension aux cordes vocales. Les mots hésitaient, se précipitaient, s'agglutinaient. Silence. Ses yeux, un peu au-dessus de la mêlée, brillaient plus fort comme pour exprimer l’indicible. Alors, Mélusine resserra sa prise sur lui, mais les couches successives de vêtements, façon oignons polaires, étaient autant d'obstacles à la communication.
En désespoir de cause, elle le fixa un peu plus fort et s'approcha un peu plus près, trouvant à son contact un peu de ce qui lui manquait pour oser extérioriser un semblant de réponse.

« Whatever. Wherever. Whenever. ... »

Sa volonté avait des ratés quand il s'agissait de garder ses distances. Avec lui, s'entendait. Un peu plus près encore. Contre lui. Contre son cou. Sa bouche à son oreille. Le chaume de ses joues lui piquait gentiment la peau.
Un souffle, plus discret qu'un murmure, à peine audible:

« ... I belong with you. »

Tout son être se hérissa devant cette provocation délibérée à sa sacro-sainte liberté. She belonged with him. L'évidence vint noyer le tout et le sentiment d'hérésie s’évapora.
Et ce fut par le plus grand des hasards, auquel on avait donné un petit coup de pouce, que sa bouche effleura la sienne.

Souffles givrés, lèvres gercées, baisers glacés.
Baisers esquisse. Baisers réponse. Baisers promesses.

Une bourrasque plus violente vint faire trembler le dôme au-dessus de leurs têtes, sans parvenir à l'ébranler véritablement. Malgré les distractions passagères, leur bouclier tenait bon contre les assauts arctiques. Ils tenaient bon. La situation lui rappela une image capturée au cours d’un rêve et la fit sourire tout contre sa bouche.
Le froid, à son tour, vint les mordre un peu plus méchamment dans leur immobilité. La parenthèse touchait à sa fin. Avant de le briser, Mélusine s'attarda encore un peu dans l'instant. On n'avait jamais vraiment vécu si on n'avait pas embrassé un garçon, perdus au milieu d'une tempête de neige. La saveur en était indescriptible.
Elle leur rendit un peu d'espace, avec un regret évident, pour tenter de capter son regard. Encore un dernier mot.

« Accordé. », lança-t-elle, comme si son assentiment n'avait pas été assez clair, comme s'il avait pu s'attendre à ce qu'elle refuse, comme si elle avait seulement été capable de lui dire non. Sa voix était un peu rouillée. La faute à toute cette neige.

Une nouvelle bribe de sourire tandis qu'elle rompait le dernier contact pour aller farfouiller dans son sac. Gorgonzola ne se laissa pas faire et fit valoir son point de vue par une morsure assurée qui n'arracha pourtant pas la moitié d'un grommellement à Mélusine. Peut-être à peine un juron et un peu d'amusement. Elle cherchait autre chose. Qu'elle extirpa triomphalement après quelques instants. Elle rosit simplement quand, entre ses doigts, le ruban écarlate vira à un beau vert malachite, sans qu'elle l'ait décidé. Hoquet magique, lapsus sorcier. Sa magie avait toujours des ratés quand elle-même avait les émotions à ras-bord, elle vacillait, n'en faisait qu'à sa tête, exprimait les sentiments refoulés trop fort. De rouge, sa couleur à elle, à vert sa couleur à lui. Son subconscient s'amusait bien... Avec une petite moue nonchalante, elle le noua autour d'une mèche de cheveux roux et, de concert, le vert et le roux tir-bouchonnèrent de plus belle.

« Oui. Bon. Je te ferai un paquet cadeau plus tard. »

Le grand retour de l'élégance et de la délicatesse, façon gamine. C'était peut-être d'une immaturité exemplaire mais c'était aussi tout ce qu'elle avait trouvé pour ne pas s'empêtrer dans un mélo émotionnel, pour s'empêcher de se perdre en déclarations embarrassantes. Ou mièvres. Ou les deux. Avant d'être encore un peu plus vulnérable. Comme pour se défier de rester elle-même. Et surtout quand elle savait que, quoi qu'elle en dise, ses pensées s'affichaient sur son visage. Pour le mystère, on repasserait.

Ses yeux se portèrent d'eux-mêmes vers là où tout était neige et brouillard. Monochrome monotone. Le temps d'affermir sa détermination. Son cœur bafouillait toujours quand elle le regardait. Or elle avait besoin d'avoir les idées claires. Avant toute chose, il leur fallait se libérer de tous ces impératifs qui obscurcissaient l'horizon.

Sa main, de retour dans la sienne, annonça le signal du départ.

Mélusine effectua pourtant la suite du programme dans un état second. Sans vraiment savoir s'ils flottaient ou s'ils dérivaient. Sans que ses pensées parviennent à rallier la réalité immédiate.

Dénicher Shawn Page ne fut pas tâche aisée. Plongé dans la tourmente, le paysage ne ressemblait plus à rien. La neige et le vent s'étaient chargés de brouiller toutes les pistes. Et, contrairement à quelques temps plus tôt (était-ce hier, déjà ?), Mélusine n'était pas plus motivée que ça par ses recherches. Page pouvait bien rester là où il était, rien à secouer. Oh, bien sûr, plus vite ils le trouveraient, plus vite ils quitteraient cet enfer glacé et plus vite elle ne l'aurait rien que pour elle. Elle pour lui. C'était bien pour ça qu'elle n'avait pas encore tourné le dos à cette quête étrange, même pas initiatique.
Ils errèrent pendant un long moment dans le blizzard, blottis l'un contre l'autre pour mieux faire barrage aux éléments, leurs magies comme protection, mais pas très utile pour retrouver un cadavre.

' C'est à se demander pourquoi personne n'a eu la décence d'inventer le «Cadaverum Revelio», c'est ça ? '

Alors que le vent austral s’acharnait à lutter contre eux pour chaque pas en avant de cédé, Mélusine embrassa la neige de tout son corps, pour la troisième fois déjà, elle qui trébuchait sans cesse sur des obstacles invisibles. Cet obstacle-là s'avéra tout à fait tangible sous le manteau blanc qui le recouvrait. En chutant, elle sentit sa cage thoracique s'écraser contre quelque chose de solide. Son souffle lui revint en même temps qu'une vague de nausée. Elle venait de prendre conscience de ce sur quoi elle s'était vautrée. Ou, plus vraisemblablement «qui» puisqu'on en devinait une main blafarde.

Et ainsi trouvèrent-ils la dépouille de l'Opposant.
Une fois extirpé de son linceul arctique, non sans effort, il fallut préparer le corps à son dernier voyage.
Sans rien en dire mais le visage fermé, Mélusine refusait de le toucher, comme si cette chair était la souche d'une obscure maladie contagieuse particulièrement déplaisante. Elle se contentait d'apporter soutien et assistance par le biais de quelques sortilèges de son cru. L'aversion qu'elle éprouvait pour le cadavre était si profonde qu'elle confinait à la répulsion.
Enfin furent-ils prêts pour le départ -et elle contrainte de s'approcher à nouveau de ce qui avait été Shawn Page. C'était lourd, un corps mort et ils ne furent pas trop de deux pour le maintenir entre eux. De Lansley l'enveloppa de sa cape et Mélusine ne releva pas l'absurdité du geste.

Sans un regret pour ce qu'ils laissaient derrière eux, ils transplanèrent.
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeSam 13 Mai - 0:30:13

De White à Poudlard.

Et de la neige jusqu'aux genoux. Les Highlands n'avaient pas grand-chose à envier aux cercles polaires.

- Je le ramène à ses parents, l’informa-t-il d’un ton impassible mais qui laissait peu de place à la contradiction. Je te retrouve à Verdi dans une petite heure et on va où tu veux. Et… Prends de quoi écrire… tu trouveras ça dans mon bureau.

Sourire forcé. Il avait promis à Page d’écrire à sa fiancée et à ses amis qu’il n’était pas mort en lâche pour un camp ou contre un camp. Il était mort pour devenir l’inexprimable symbole du gâchis. Gâchis de salive… de gestes… De chair. De talent. De jeunesse. D’idées. De haine. D’amour. Parce qu’au moment du trépas, l’on pense à ceux qu’on chérit et pas à ceux qu’on abomine.

‘Il voulait devenir martyr et que je sois son bourreau. Il voulait délivrer les Soumis et réussir tout à la fois à emprisonner qui je suis. Shawn Page s’est bien démené pour défendre ses idées.’

Le regard de Sacha s’était baissé sur le corps en lévitation. Il n’avait pas de mépris pour Shawn. Le jeune homme avait été sincère, courageux et excessif. Un martyr de la guerre antarienne qui deviendrait probablement un symbole légendaire, comme une Jeanne d’Arc, comme un Dumbledore ou un comme Rogue.

Sacha retira cape, gants et protection et les fit disparaître dans un geste ondulant de la main.

Il aurait aimé majorer l’instant de n’importe quoi de réconfortant pour McEwan bien qu’il songea l’espace de quelques secondes qu’il était celui à réconforter. Il n’aimait pas le devoir qu’il s’apprêtait à accomplir. Il le faisait pour avoir la paix de l’esprit. Aucune envie que le spectre congelé de Page vienne le hanter sans relâche. Rien n’était pire que les intentions d’un martyr résolu.

Sacha transplana aux Etats-Unis devant la porte qu’il avait visualisée dans l’esprit de Page avant de le tuer. Sous le couvert des ombres d’une allée, il ébouriffa un peu plus sa chevelure pour que les mèches tombent devant ses yeux puis il s’agenouilla dans le carré de jardin voisin pour prélever un peu de terre humide et se l’appliquer sur le visage. Quand il pensa qu’il ressemblait plus à un mineur qu’à un Amiral en fuite, il se redressa et marcha jusqu’à la porte d’entrée.

Son cœur battait. L’espace d’un instant, il se vit, lui, en surimpression, lévitant par la magie d’un Auror de la Résistance, et lourd et froid comme le marbre, traversant l’air léger et fluide comme un cadavre bienheureux traverse l’eau putride du Gange. Fin du trajet face à la lourde porte de la maison de Provence de Benedict. Face à la lourde porte d’une maison secondaire du Vermont.

Toc, toc, toc…
Un temps.
Une femme ouvre.

- Votre fils a été tué, madame.

Benedict regarde droit devant elle sans y croire. Sans comprendre.
La femme face à lui, regarde droit devant elle sans y croire. Sans comprendre.

- Mon fils, non… impossible. Je lui ai écrit ce matin et…

Le regard éploré dégringole à toute vitesse jusqu’au visage céruléen du fils chéri.

Gorge nouée. Sanglot trop gros pour la gorge fine de la femme.
Refus. In-considération de la réalité trop grosse trop lourde, comme la boule dans la gorge qui empêche de dire un mot de plus.
Ses cils battent et se débattent contre les premières larmes. Ses yeux, dessous les cils noirs qui font tomber des gouttes de pétrole, reviennent vers l’inconnu qui lui amène ce corps tant aimé. Elle lutte contre la boule dans la gorge. Toujours. Sa voix déraille mais sort un peu, suffoque, propose des syllabes atones, tandis qu’une voix à l’intérieur de l'habitation vient briser l’horreur de l’instant…

- Qui c’est, chéri ? Demande la voix à l’intérieur.

La voix approche.
Vite. Partir.
Benedict s’évapore comme une brume du matin.
Le souvenir de l’air glacial de White traversa la poitrine de Sacha et s’engouffra dans son cerveau.
Il est transi, sur le point d'étouffer. Parler vite et s'enfuir vite.

- Il est mort héroïquement, commente-t-il froidement, pour libérer les Soumis de la domination d’Antarès. Il tenait à ce que vous conserviez son corps intact… car… car…
‘Car il s’est suicidé ?’
Non, il ne pouvait pas présenter la chose sous ce jour. Son entrée en matière avait déjà été assez brusque pour ce petit bout de femme.
- Car… il n’a pas dit son dernier mot…

L’ombre de Sacha disparut dans le son mat du craquement du transplanage.
La voix à l’intérieur s’était approchée de la mère de Shawn dont les larmes continuaient de balayer le silence et le petit matin devant face au visage paisible et serein de son fils.

Sacha transplana directement à Verdi. Son visage plein de terre et ses mains sales.
Et ses cheveux plus indisciplinés que jamais.

Il fondit sur Mélusine :

- Emmène-moi ailleurs. Emmène-moi loin… maintenant, s’il te plaît.

// …Dans un endroit qui n’existe que pour nous. //

Il laissa choir sa main terreuse sur son visage pâle et y laissa la marque honteuse de son masque. Son front sale contre ses cheveux rouges… il attendit de recevoir d’elle l’image d’une destination où il les emmènerait comme un commandement libératoire du cœur.
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MessageSujet: Re: La théorie des contraires   La théorie des contraires - Page 2 Icon_minitimeSam 13 Mai - 0:32:39

Elle ne prononça pas un mot. Se contenta de le prendre dans ses bras. Une image flottait dans sa tête.

De Poudlard à Edinburgh.
Comme un ballet minutieusement chronométré.
Une rue paisible, vaillamment éclairée par quelques lampadaires. A quelques pas devant eux, une petite maisonnette... que Sacha fixait d'un œil amusé.
Il n'aurait pas dû.
Il n'aurait pas dû pouvoir. Pas déjà.
Le «chez elle» de Mélusine, non content d'être excentré du centre-ville, non loin d'Arthur's Seat, bénéficiait de la protection d'un Sortilège de Fidelitas dont elle était la Gardienne du Secret. Prudence excessive ou besoin impérieux d'un petit coin rien qu'à elle, sans intrusion gênante. Peu nombreux les gens de son entourage à être dans le secret. Elle chérissait son indépendance, sa liberté et même sa solitude, parfois, par-dessus tout.
Alors, il n'aurait pas dû pouvoir voir. Elle n'eut même pas envie de s'en étonner. Ou de s'interroger. Elle l'invita juste à entrer, avec une pointe d'appréhension qui lui mordilla le ventre. C'était tellement chez elle.

Il y avait quelques impératifs auxquels il était nécessaire de prêter attention.
Se délester des affaires estampillées White, avec humidité, sueur et hémoglobine, et faire provision de vêtements et autres accessoires de la vie courante.
Un placard de Mélusine lui fournit un de ses kilts écarlate et une paire de chaussettes ratatinées qui feraient bien l'affaire jusqu'à la prochaine étape. Les placards de Verdi, qu'elle avait soigneusement pillé pendant son absence, avaient été plus généreux, allant jusqu'à lui prêter,  à elle,  une chemise et un pull-over. Trop grands, avec des couleurs qui n'étaient pas les siennes, mais elle ne s'en plaignait même pas. Pas sûr qu'elle se souvienne de les restituer un jour à leur propriétaire légitime. Elle avait récupéré quelques affaires pour lui, aussi, qu'elle lui tendit d'un geste simple.

« Regarde pas. », lui lança-t-elle, pudiquement. Hypocritement. Avant de se détourner pour quitter l'uniforme o'mallien et retrouver le sien. Le Capitaine, de son côté, faisait de même. Dos tourné aux deux antipodes de la chambre.

'Même pas un petit coup d'œil?'

Elle avait d'ores et déjà pivoté discrètement pour tomber sur son torse nu... et son sourire narquois. Elle rougit jusqu'aux yeux, s'attarda un chouïa.

'Gaulée pour gaulée, tu aurais pu rester face à face...'

Elle acheva de s'habiller en vitesse, légèrement mal à l'aise. Elle était presque certaine de l'avoir entendu s'esclaffer. Et elle-même peinait à garder un air neutre quand elle le rejoignit.

Vint le temps des responsabilités avant l'exil. Un peu d'encre et quelques parchemins pour des lettres incontournables. Une qu'elle envoyait à Morgane pour qu'elle prenne soin de Soldat Kyle Young encore quelques jours. Pour que la famille ne s'inquiète pas. Elle serait de retour dans une dizaine. Une qu'il écrivit à Emmett pour annoncer son absence de quelque temps. Cette seconde fut plus longue à rédiger que la première (qui ne comptait somme tout que quelques mots) et laissa à Mélusine le loisir de l'observer, lui, à son insu, main sous le menton, une expression tendre gravée sur les traits.

Elle se reprit de ses rêveries quand il posa le point final.
Kriket et Piccolo furent nommés Grands Messagers. Ils ne seraient pas du voyage. De son arche de Noé miniature, elle n'emmenait que Gorgonzola.

Les lettres s'envolèrent à tire d'aile.

« On a tout ? »

Tout se résumait à un petit sac de voyage. La vie tenait parfois à peu de choses. Peu de choses matérielles, en tout cas.
Ils se retrouvèrent au centre de la pièce pour le dernier voyage. L'un contre l'autre. Quand bien même il n'était pas besoin d'être aussi enlacés pour transplaner.

Il y eut un moment de silence où Mélusine se contenta de regarder Sacha.
Où Sacha se contenta de regarder Mélusine.
Où un sourire timide finit par percer.
Une image l'avait harcelée, un peu plus tôt.

« Je crois que j'ai une idée... »

Sans ajouter un mot, elle lui tendit simplement la main. Serra fort la sienne quand il la lui offrit. Jeta un dernier regard à la pièce presque unique qui composait son Home Sweet Home. Se concentra sur cette image qu'elle avait dans la tête, en retraça chaque détail, s'attarda sur chaque élément, de façon à être certaine de ne pas les transbahuter n'importe où. L'opération était déjà suffisamment périlleuse en elle-même. Du moins, si son intuition sur l'identité du lieu était juste.

Un crac.

Et ils disparurent.



FIN
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