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 To tame or to be tamed

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Willem Wyndham
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Willem Wyndham


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MessageSujet: Re: To tame or to be tamed   To tame or to be tamed - Page 2 Icon_minitimeMer 2 Mai - 21:16:31

Le dos tourné, Wyndham se garda bien de répondre. Et s'accorda même un temps de mutisme supplémentaire. Au grand jeu du silence, que valait quelques secondes contre près de deux mois ? Une peccadille.
Un temps de mutisme, donc, pour remettre de l'ordre dans ses idées et reprendre ses esprits. Rassembler froideur et distance par brassées. Rien ne filtrerait. Ni tressaillement, ni surprise, ni reconnaissance. L'aspect personnel de leur relation avait pris fin au mois de décembre.

Si elle l'avait mieux connu, elle aurait su que sur l'échelle des comportements qui en appelaient à son mépris, les cadeaux distribués en quête de pardon, ou pis, de services, arrivaient dans le trio de tête. Rien ne l'horripilait plus que cette manière qu'avaient les êtres humains à dépenser de l'argent pour recevoir l'absolution. L'absence d'un parent compensée par des présents hors de prix, une infidélité rattrapée par un bijou, une amitié achetée à grands renforts de pots-de-vin... Écœurant. Décevant. Le seul charme d'un cadeau était dans la spontanéité d'offrir, de faire plaisir, sans la moindre arrière-pensée. A peine supportait-il déjà la valse traditionnelle des paquets pour les anniversaires et Noël. Comme si il était nécessaire d'avoir une date cochée sur un calendrier pour penser aux autres. Hypocrisie de masse.
Et Wyndham ne doutait pas un seul instant que Leroy ait quelque chose à se faire pardonner. Une autre de ses gosses de riches qui ne négociaient les relations que par le biais financiers. Il y avait des choses que ni l'argent ni les faveurs ne pouvaient acheter. Et ces choses-là étaient les seules qui avaient l'approbation du Gallois.

Le sentiment d'aigreur qui pointait à travers de cet agacement trouvait sa source dans la pensée futile, et, certes, un peu déçue, d'être obligé d'admettre que personne (anonyme ou ami) ne lui avait offert cette merveille dans le seul but de lui manifester son affection, son admiration ou toute autre forme de sentiment positif. D'admettre qu'il n'était pas quelqu'un de si exceptionnel pour mériter un tel cadeau passé sous silence. Ses rares amis auraient pourtant pu être l'expéditeur mystère. Ils n'étaient pas. Pas plus que n'était un hypothétique, mais sympathique, admirateur. Tout le portait à croire qu'il ne suscitait pas ce genre de réaction chez autrui. C'était sans doute tant mieux.
C'était pourtant dans le silence, la discrétion, que l'acte même de s'excuser par cadeau interposé se trouvait racheté. Même lui ne pouvait renier le charme de ce genre de surprise, quand le mystérieux donateur préférait le secret aux honneurs... ou aux remerciements.


Si il s'était mieux connu, peut-être aurait-il néanmoins reconnu le petit pincement dissimulé sous le dédain, qui venait en contradiction avec ses propres principes. De là à être sensible au geste, en dépit de ses assertions... Il ne fallait tout de même pas exagérer !

Fidèle à sa décision, pas un mot ne franchit la barrière de ses lèvres. Il utilisa ce silence qui s'éternisait à bon escient, retrouvant, à chaque seconde qui s'écoulait, son aplomb ébranlé. Il suffisait pour ce faire de rassembler ses objectifs et s'y tenir : refouler toute forme d'humanité personnelle pour se consacrer seulement et uniquement à l'évolution du potentiel scolaire de l'élève Leroy, tenir à l'écart toute conjecture étrangère à l'ensemble du corpus de cours qu'il s'était donné pour mission de lui distiller et garder à l'esprit le but final qui était de voir Leroy décrocher son diplôme une bonne fois pour toute. Ceci fait, il pourrait s'en retourner à la monotonie de ses cours hebdomadaires. Et autant pour la pointe de mélancolie et de nostalgie qu'il ne manquerait pas de ressentir. Il était payé pour donner des cours particuliers, eh bien, il allait en donner !

- Sortez votre baguette, élève Leroy. Je vous prie.

Ces derniers mots étaient comme martelés, dénués de toute leur nuance polie. Mais au moins, sa voix ne lui avait pas failli. Elle était demeurée ferme, droite, sans le moindre tressaillement. Ainsi pouvait-il se retourner à nouveau, tout en se gardant bien de l'affronter du regard. Il n'oubliait pas, non plus, qu'il devait garder à l'écart la tentation fugace de recourir à elle pour s'en aller enquêter dans sa mémoire défaillante.

Comme une provocation à sa distance glaciale, le nouvellement baptisé Absolem vint fureter juste sous son nez et se poser sur son épaule gauche. Autour de sa propre baguette, les phalanges de Wyndham blanchir à force de crispation. Il cilla à peine et, d'un sortilège à peine trop nerveux, plaça la poupée de son dans l'espace entre lui et Leroy. La figurine flotta quelques temps dans les airs, avant de choir doucement sur un tabouret que le Gallois avait déplacé sous elle par un simple «Mobilis Cathedra».
Deux nouvelles secondes de silence où le regard n'avait que cette frêle poupée à laquelle s'accrocher.

- Nous allons travailler le «Imprudentiam» aujourd'hui. Un sortilège souvent méprisé et surtout méconnu. Aucun effet physique particulier. Il s'agit avant tout d'agir sur le mental en inspirant à l'adversaire un sentiment de témérité frôlant l'inconscience. Donner, en quelque sorte, à l'autre une impression de confiance, une foi en son potentiel et à sa supériorité qu'il ne devrait pas ressortir... et qui le conduira à se montrer imprudent.

Il suffisait parfois d'une seconde d'erreur, d'une maigre déconcentration, d'un soupçon d'inadvertance pour renverser l'issue d'un combat.
C'était la suite logique, et surtout prudente, de la dernière leçon particulière qu'il lui avait dispensé. Ils demeuraient dans l'enceinte des sortilèges liés à l'émotion... tout en s'éloignant des sentiments trop, disons, dangereux. Il s'était préparé à parer toute forme d'agressions, volontaire ou non et ne s'attendait pas à être à nouveau la victime d'une erreur comme celle de décembre. Mais on n'était jamais trop prudent.

- Je vous laisse vous préparer.
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Loevi Leroy
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Loevi Leroy


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MessageSujet: Re: To tame or to be tamed   To tame or to be tamed - Page 2 Icon_minitimeMar 21 Aoû - 22:45:28

Ce fut la voix de son professeur qui tira Loevi de sa contemplation admirative et muette de l'oiseau enchanté ; sèche, tranchante, elle dissipa tout émerveillement dans les veines de la jeune fille, la ramenant brutalement au présent. La rappelant à l'ordre. Leroy, baguette. De ce tremblement d'humanité qu'elle avait perçu, ou cru percevoir, il n'y avait plus trace. Wyndham était tel qu'il l'avait toujours été... Non. Plus cassant, plus distant que jamais. Elle baissa enfin les yeux sur lui, à l'instant où il se tournait vers elle, évitant son regard comme elle l'avait évité, lui, pendant près de deux mois. Avec application.

Ce brusque retour à la triste réalité de leurs rapports conflictuels lui fit l'effet d'une pluie glacée, lui brûlant le cœur et les yeux, lui coupant presque le souffle. Le doute s'insinua en elle. Voulait-il réellement la revoir, reprendre le cours de leurs entrevues, quand elles lui imposaient tant de sacrifices, de frustration et de souffrance ? Ou bien son invitation à entrer, à le rejoindre, n'était-elle que le fruit de ses obligations envers l'école et envers elle-même ? Se forcerait-il à accepter sa présence, souhaitant au plus profond de lui-même la voir disparaître à jamais ?

L'avait-elle tant meurtri ?

Autour d'eux, le Rossignol poursuivait ses trilles enjoués dans l'indifférence la plus totale, insensible aux drames humains qui se jouaient sous ses yeux de pierre rouge. Jusqu'à ce qu'il vienne voleter sous le nez de Wyndham, le faisant loucher comiquement durant un long moment avant d'aller se percher sur son épaule. En d'autres circonstances, Loevi aurait peut-être souri, amusée par cette scène irréelle, attendrie par l'apparente fidélité de l'item magique pour son nouveau maître. Mais la brusque tension qui s'empara ostensiblement du professeur suffit à la pétrifier d'angoisse. Et fit naître une nouvelle question dans son esprit troublé.

Haïssait-il ce présent, maintenant qu'il savait avec certitude qu'il lui venait d'elle ? Mais, dans ce cas, pourquoi l'avoir éveillé en premier lieu ? Non. Avant qu'elle ne laisse échapper cette exclamation de surprise, quelques minutes plus tôt, il n'avait eu aucun moyen de relier l'oiseau à elle, et l'utilisation du Guineum, loin d'être un clin d'œil ou un remerciement voilé, n'avait été inspirée que par l'objet lui-même. Un objet dont il ne voulait plus.

Parce que c'était elle qui le lui avait offert.

Il parut sur le point d'attraper l'oiseau pour le jeter loin de lui mais, à la place, il déplaça une étrange petite poupée d'un coup de baguette nerveux et saccadé. Rien à voir avec la fluidité et la nonchalance habituelles de ses gestes. Wyndham était rongé par la fureur - à cause d'elle. Silencieuse, l'étudiante regarda la poupée tomber sur un tabouret et se redresser maladroitement, comme mue d'une volonté propre - le Guineum. Loevi sentit une boule enfler douloureusement dans sa gorge alors que la figure de la poupée se tournait vers elle, ses traits de tissu et ses yeux de boutons mimant une curiosité tout enfantine. Odieusement humaine.

Pourquoi cette petite chose qui ne faisait que ressembler à un être humain devait-elle la regarder vraiment, sans détour, alors que Wyndham refusait obstinément de lui faire la grâce de même un simple et bref coup d'œil ? Elle réalisait avec horreur que ce qu'elle avait tant redouté toutes ces semaines s'était bel et bien produit. Elle l'avait transformé. Elle l'avait rempli de colère, de haine et... de quoi d'autre ? De crainte ? N'était-ce que la réminiscence de cette peur viscérale qu'elle avait instillée en lui deux mois plus tôt ? Ou était-ce elle qu'il craignait, elle et ses multiples et imprévisibles dangers ? Au fond, ne se servait-il pas de cette poupée comme protection, afin de détourner de lui sa magie destructrice ?

Même en y mettant toute sa mauvaise foi, Loevi ne pouvait que comprendre. Et cela faisait mal. Très mal.

Elle écouta ses explications, prononcées d'un ton mécanique, professionnel - distant - en se demandant s'il lui pardonnerait jamais. Le pouvait-il ? Rien n'était moins sûr. Elle-même, si elle s'était trouvée à sa place... Il poursuivrait la tâche qui lui avait été confiée, pourtant, quoi qu'il arrive. Il ne dirait rien, ne ferait aucune allusion - il ne le faisait jamais. Mais peut-être s'emploierait-il à lui faire regretter la moindre de ses erreurs, passées et futures, jusqu'à assouvir entièrement le profond ressentiment qui l'étouffait. Et elle n'y pourrait rien.


-Je vous laisse vous préparer.

Elle pénétra dans la salle d'un pas lent et hésitant, incapable de résister à l'autorité de sa voix. Elle ne quitta pas des yeux la poupée qui elle-même gardait ses deux jolis boutons de cuivre rivés sur elle, et s'immobilisa à distance respectueuse de Wyndham, quand tout son corps semblait tendre vers lui, avide de... de quoi ? De pardon ? De chaleur ? D'affection ? Il ne pouvait rien lui donner - il ne voulait rien lui donner, rien d'autre que rage et mépris. Tout ce qu'elle méritait. Ce qu'elle avait toujours mérité. Obéissante, elle posa ses affaires à même le sol, à ses pieds, et tint sa baguette levée d'une main tremblotante. Elle avait refusé d'user de la magie depuis l'incident, sa baguette informe restant bien sagement rangée hors de portée immédiate - sauf ce mercredi-là, en prévision. Au cas où. La tenir de nouveau entre ses doigts lui parut très étrange, presque obscène.

Un soulagement, aussi.

Qui ne fit qu'accentuer malaise et culpabilité.

Sans un mot, sans une plainte, le visage aussi inexpressif qu'il lui était possible de le rendre, la jeune femme se prépara mentalement à sa nouvelle épreuve. Elle ne visait qu'une inoffensive poupée, qui ne ressentirait rien à travers ses graines de son et ses fils cousus - mais rien ni personne n'était jamais vraiment à l'abri avec elle. Elle le savait. Wyndham le savait. C'était sans doute la raison pour laquelle il ne tenta pas de réduire la distance qu'elle avait instaurée entre eux, dans cette salle qui n'avait jamais semblé si étroite.

Le silence était lourd, étouffant - surchargé de reproches et d'excuses qui refusaient de se formuler. Loevi n'osait pas parler la première ; elle n'était pas même sûre de sa voix, piégée au fond de sa gorge douloureuse à la recherche éperdue, vaine, des bons mots. Si Wyndham ne voulait rien dire, alors elle se tairait. Elle se tairait jusqu'à ce qu'il craque, jusqu'à ce que quelque chose change. Et si rien ne changeait, peut-être alors craquerait-elle avant lui, terrassée par les remords et la certitude grandissante qu'Anderson, depuis le début, avait eu raison de souhaiter sa mort.

D'ici-là, elle suivrait les pas de Wyndham, sans ciller, sans la moindre protestation, avec en elle la conviction de ne jamais pouvoir être pardonnée et la frustration des éternels non-dits qui s'accumulaient entre eux, menaces invisibles planant sans fin sur leur trop fragile équilibre.

Sur ses joues, les larmes s'étaient lentement asséchées.


~¤~


Loevi vécut les semaines suivantes dans une sorte de brouillard, avec la vague impression d'être devenue spectatrice de sa propre existence. Elle se levait, s'habillait, rejoignait la Grande Salle pour prendre son petit-déjeuner ; elle se rendait en cours, n'en manquant aucun, et écoutait d'une oreille distraite, peu concentrée, tandis que sa plume prenait consciencieusement des notes sur un parchemin vierge - privée d'encre. Elle déjeunait. Reprenait les cours. Dînait. Les mercredi et vendredi soirs, elle se rendait à la salle Bungs, sixième étage. Toujours en retard ; cinq, parfois dix minutes. Là, elle poursuivait sagement son entraînement privé. Sans un mot.

Elle mangeait peu, dormait par à-coups. Son visage, devenu inexpressif, ne reflétait qu'un profond vide intérieur ; son aspect effrayant amplifié par les cernes de plus en plus sombres et les traits qui se creusaient peu à peu. Si elle avait paru mal en point en janvier, après deux mois d'un sommeil agité par le souvenir de la terreur absolue où elle avait plongé son professeur particulier, ce n'était rien comparé à cette mine de mort-vivant et ce corps qui s'émaciait jour après jour. Ceux qui l'avaient connue durant sa jeunesse à Poufsouffle, s'il y en avait encore pour s'en soucier, n'auraient pas manqué de rapprocher cette vision de l'époque où la jeune fille, cédant à un désespoir abyssal, avait frôlé de près l'anorexie.

Seule Elinor, unique personne que Loevi ait réellement pu compter parmi ses amis, connaissait les causes de ce comportement - en partie, du moins. L'approche imminente de la date anniversaire de la disparition d'Eleanor suffisait à contenter ses possibles inquiétudes. Elle ne savait rien de ses rapports conflictuels avec ses professeurs, tant Wyndham qu'Anderson - la jeune Héritière éprouvait trop de honte à l'égard de ses pouvoirs toujours indomptés pour oser plus que de vagues allusions à leur sujet.

Avec Wyndham, l'atmosphère était plus tendue, glaciale, qu'elle l'avait jamais été. Mais l'étudiante n'offrait aucune prise ; elle agissait avec lui comme avec tous ses professeurs : silencieuse, appliquée quoiqu’inattentive, elle obéissait à chacune de ses consignes avec une docilité extrême, confinant à la soumission. Pas un regard dans sa direction, pas un mot plus haut que l'autre. Rien qu'une marionnette en mouvement répétitif au bout de ses fils.

Paradoxalement, sa magie n'avait jamais été aussi stable. Depuis qu'elle avait repris sa baguette en main, il n'y avait eu à dénombrer aucun incident, ni débordement ni carence magiques, bien que Wyndham parût toujours à l'affût du moindre dérapage, tel un chat guettant une souris à la sortie de son trou. Mais cette nouvelle stabilité avait un prix : la puissance. Si les sorts s'exécutaient désormais de façon égale, systématique et sans surprise, ils étaient en revanche dépourvus d'intensité. Ses Wingardium et autres Accio ne soulevaient rien de plus qu'une pauvre plume et ses métamorphoses ne provoquaient que des frémissements de couleurs. Ses professeurs continuaient à désespérer.

Et Wyndham à se taire.


~¤~

Vendredi 24 Février 2012


Loevi repoussa son assiette avec un soupir las ; elle n'avait fait que grignoter sans le moindre appétit et, malgré toute sa gourmandise, le dessert ne lui faisait pas envie. Autour d'elle, le bruit et l'agitation devenaient insupportables. Il était peut-être temps de tirer sa révérence... Elle se leva, jeta un rapide coup d'œil à la table des professeurs où Wyndham, l'air pincé, répondait à un voisin sans doute un peu trop bavard, et quitta la Grande Salle sur cette dernière image. Elle avait encore un peu de temps libre avant son cours particulier. Un peu trop - pas assez. Par habitude, elle se dirigea vers la tour d'Astronomie.

Cela faisait longtemps qu'elle n'y était plus montée. Petite fille, ses hauteurs avaient représenté son seul refuge, un havre de solitude au cœur d'un monde qu'elle ne comprenait pas. Qui ne la comprenait pas. Même sujette au vertige, elle venait là en quête de tranquillité, et de quelque chose sur quoi elle n'avait jamais pu mettre de nom. Cette peur primitive qui s'emparait d'elle à chaque fois qu'elle s'éloignait du sol semblait lui redonner un peu de force, de courage.

Elle n'avait pas toujours été victime de cette phobie des hauteurs : très jeune, au manoir, elle s'amusait déjà à grimper aux arbres et arpenter les toits jusqu'aux cheminées noires de suie, suivant son cousin dans ses jeux et ses défis, inconscients des dangers. Puis il y avait eu le premier cours de vol, le premier accident, les deux suivants... et tout avait changé. Le ciel avait soudain pris une allure angoissante, et le vide avait commencé à lui donner des sueurs froides.

C'était cette terreur viscérale qu'elle s'était plue à narguer par la suite, provoquant en elle une émotion plus puissante que toutes ces craintes qu'elle essayait d'étouffer. Avec le temps, c'était devenu son seul moyen de les faire taire. De les oublier.

Elle avait cessé de se rendre à la tour d'Astronomie à son entrée à l'université. Cette habitude absurde - cette preuve de faiblesse - ne cadrait pas avec ce qu'elle croyait être devenue : une jeune femme forte et déterminée, qui n'avait pas besoin de l'approbation des autres pour avancer, de comprendre le monde pour y forger sa place. Elle avait cru y parvenir. Et puis, hiver 2010... tout avait de nouveau basculé dans les ténèbres.

Elle avait regardé Natacha Palmirya, et avec elle Antarès et toute l'Opposition, reprendre Eleanor des mains de la Résistance en elle avait eu la naïveté de placer sa confiance. Impuissante, parfaitement impuissante malgré son tout nouveau poids politique - encore trop faible, trop fragile, une notoriété nouvelle née qui ne lui était, à cette époque, d'aucun secours. Elle s'était vue sombrer dans les affres du désespoir sans rien pouvoir y faire ; sans même essayer. Et l'angoisse des hauteurs était revenue la hanter.

Nuit après nuit, elle s'était tenue au sommet le plus élevé du château, pétrifiée à la fois par la détresse la plus profonde qu'elle ait jamais connue et par les vertiges. Sans dormir, sans manger - comme maintenant.

Après cela, lorsqu'elle avait réalisé qu'elle avait perdu sa trop précieuse cousine, dernière lueur d'espoir et de vie dans une existence faite de noirceur, elle en avait presque suffoqué de douleur. Profondément abattue, plus seule que jamais face à l'adversité, elle avait gagné la tour et, là, avait tiré son éternel poignard d'argent, héritage maudit d'une lignée de femmes assassines. Elle l'avait observé, longuement, songeant à ce futur possible - impossible - où un malencontreux incident l'avait projetée deux ans plus tôt. Un futur insensé où, désireuse d'empêcher quiconque de mettre la main sur Eleanor et ses mystérieux et convoités pouvoirs, elle avait elle-même mis fin à ses jours avant de se donner la mort, victime d'une sombre folie. Avec ce même poignard.

Et ce soir-là, anéantie par la disparition de sa chère Eleanor, Loevi avait dangereusement flirté avec l'image de cette lame d'argent perçant sa chair tandis qu'elle fredonnait, égarée, fiévreuse. Le sang avait perlé... et le geste lui avait soudain fait horreur. Elle avait violemment sursauté en laissant échapper un bref cri, rejetant le poignard loin d'elle d'un geste instinctif. Elle avait dû passer des heures, le lendemain, à chercher son héritage malsain dans les broussailles du parc.

Quelle différence y avait-il, au fond, entre ce jour-là et l'instant présent ? Le poignard, minutieusement dissimulé aux tréfonds de son armoire. Mais le reste - l'affliction, l'abattement - le reste n'avait pas changé. Elle n'avait pas non plus trouvé le moindre indice concernant Eleanor, après tout ce temps : même l'Opposition semblait avoir perdu sa trace. C'était à en devenir dingue. Entre ses vaines recherches et ses déboires avec Wyndham, Loevi était presque certaine de ne plus être tout à fait saine d'esprit.

L'avait-elle jamais été ?

Parvenue au bout de l'interminable escalier, l'étudiante ouvrit enfin la porte de bois qui s'écarta en grinçant sinistrement dans le silence de la nuit tombante ; un vent froid s'engouffra par l'ouverture comme pour la repousser en arrière mais la jeune femme sortit sans montrer la moindre hésitation. Elle se sentait appelée, ce soir comme les soirs précédents. Appelée par le vide qui n'attendait que l'instant où il s'étalerait sous ses pieds, dans toute sa grandeur.

Elle referma la porte, posa ses affaires au sol, avant de rejoindre le mur crénelé, les yeux rivés sur le soleil qui se couchait, au loin. Spectacle hypnotique qui mêlait sa voix à l'appel impérieux qui résonnait dans son âme depuis longtemps. Avec des gestes lents, presque sans y penser, elle agrippa la pierre, se hissa sur un créneau bas, s'offrant tout entière, tremblante, à la tempête glacée qui emprisonnait le sommet de la tour dans ses griffes acérées. Elle ferma les yeux, inspira profondément. Relâcha la pression de ses doigts sur les murets surélevés pour étendre les bras en croix, la tête rejetée en arrière. Goûtant les spasmes que le vertige instillait en elle. L'esprit engourdi, hanté par une seule pensée, une seule image, la même qu'un an plus tôt, presque jour pour jour : le visage souriant d'Eleanor.

Ce soir-là, contrairement aux précédents, Loevi n'entendit pas l'horloge du château carillonner, annonçant l'heure de son rendez-vous avec Wyndham.
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