Ce qu'il y a derrière... [PV McEwan]

A force de désespoir et de ténacité, les canons du mal finirent par cesser de claironner. Les trente minutes étaient dépassées depuis maintenant cent vingt sept secondes. Derrière le comptoir du rayon enfant, on entendait des femmes qui geignaient de peur, de pleurs. Une litanie hachée qui priait dans une langue internationale la douleur d'avoir eu tant de frayeur. Elles étaient embusquées entre une pile de langes renversé sous le coup des multiples sortilèges et maléfices et un amoncellement chaussettes taille quatre ans tombées de leur portique. On se protégeait comme on pouvait.

La dernière fois que j'ai vu Lucy, elle était allongée sur le ventre, tentant dramatiquement d'éviter les maléfices qui fusaient. Je la trouvais très bien là. N'aurais jamais imaginé qu'elle pût décider de se relever pour combattre seule. Au sol, elle me semblait aussi ridicule qu'en sécurité et seule la deuxième constatation importait.

Amba accroché à la taille, j'ai eu le temps de transplaner dans les stocks où les trois filles nous attendaient. Je n'ai pas pu me répandre plus longtemps en explications. Lucy était toute seule en haut.

'Il faut que j'arrête de l'appeler Lucy…'

Non. C'était plus commode. Tout était plus commode quand elle n'était pas McEwan, ancienne Gryffondor, tête à claques. Ici, tout était si compliqué qu'un peu de facilité en quelque chose, la moindre chose, même infime, me donnait soudain l'impression d'être un détenu enchristé dans une prairie. C'était un peu de liberté.

Je reviens, leur dis-je, après un clin d'œil affectueux à Xin – J'eux envie de serrer mon fils dans mes bras – et Amba m'a promis de s'occuper de vous…
Louis, tu saignes… marmonna Xin, pour faire dans l'euphémisme enfantin, en faisant mine de se relever. Maya l'attrapa par le bras pour la retenir. Je ne sais si elle avait peur que je la contamine d'une quelconque façon d'un peu de l'horreur que nous vivions en haut, ou si le geste tout juste maternelle visait à empêcher Xin de me retenir plus longtemps. Certainement les deux.
Ce n'est rien à côté du type que j'ai cogné, tentai-je de sourire avec peu de conviction. Parce que je n'avais cogné personne. C'était quelque chose que j'avais entendu dire un jour à la télévision dans une situation qui ressemblait à la mienne. Ca sonnait bien.

Pour retourner à la Buqa Nova, je ne transplanai qu'au niveau inférieur et décidai de faire le reste du chemin à pieds. Allez savoir en face de qui j'aurais atterri.

Des vêtements flambaient au sol… un sol où McEwan ne se trouvait plus. J'ai paniqué. Je ne lui dirai jamais. Ca pourrait la faire paniquer aussi.

'Par tous les Centaures drogués de Pré-au-Lard et de Navarre, où elle s'est planquée?'

Pas planquée la rouquine.
Au milieu de trois sorciers, la baguette branlante mais fière. Un souffle de désespoir qui ventilait par ses poumons.

Je l'appelai à distance. Elle était dans un sale état. Le vivet était venu voler près d'elle et repoussait férocement tous les aventuriers qui s'essayaient à l'approcher.

Inspiration, expiration. J'entrai de nouveau dans la danse.
A bout de souffle.
Il y avait un vampire. Il ne fut pas grand-chose à côté du moldu qui, seul face à nous, était le dernier adversaire qui restait.

Ma baguette s'était cassée pendant les festivités.
Je n'avais plus l'esprit pour me souvenir de qui, comment, par quel maléfice.
Ma baguette s'était cassée et, au lieu de me sentir amoindri, je trouvai, au fond, un regain d'énergie et de rage pour envoyer voler le moldu contre la vitrine qui se brisa. Il eut le temps de tirer après nous avoir sommés de lui donner le colis. Nous ne serions pas plus rapides que les balles.
Il avait raison. Mais nous étions deux.

Alors tandis que j'attirai la balle, naturellement, McEwan profita de son déséquilibre et de l'amorce de sa chute pour l'empêcher de se relever. L'homme tomba de nouveau en arrière en essayant de récupérer son arme. Un bris de la vitrine de transperça comme une feuille. Il y eut un bruit de régurgitation. Et beaucoup de sang. De l'autre côté, la balle était venue faire bonjour à mon flanc gauche.

Tout était calme.
Tout est calme.

Sauf les femmes qui pleurent et les vêtements qui brûlent. Mauvaise qualité. Ca sent le polystyrène. Ces matières moldues qui me font vomir.

J'ai adopté la technique de Lucy. Face contre Terre. Ce qui est relativement ridicule à compter que je n'ai plus personne de qui je dois me protéger. A la vérité, la blessure par balle fait plus souffrir que les séquelles des autres sortilèges.

Je me donne quelques secondes encore et je me relève. La tête lourde.
J'appelle Lucy. Savoir comment elle va.
Pas mieux que moi. Son dos est une réplique des chutes du Niagara. L'atmosphère féérique en moins.

J'ai perdu conscience quelques temps… je ne sais pas combien de temps. Les yeux ouverts par intermittence, je me souviens seulement d'une femme penchée au-dessus de moi.
Quand je rouvre les yeux pour de bon, elle est toujours là: "Ca va, monsieur?" Elle essaye dans plusieurs langues. Anglais, allemand, français, espagnol. Ca doit être une commerçante.
Peux pas répondre. Mais quelque part, je doute qu'elle ait besoin de ma réponse pour se faire une idée.
Je baragouine: 'Lucy.'
J'entends: "Police is coming, sir. Police is coming. No worry."

Si, si, je me worry.
Pas de police dans cette histoire.

Je me lève. Tombe.
Me relève. Bascule contre un promontoire de ceintures à six dollars. Avance. Tombe encore.
Près de la vitrine où le moldu se vide de son sang, Lucy. Je l'attrape par la main, l'attire vers moi. Prends la baguette que j'ai confisqué à Imogen et nous fais transplaner difficilement mais entiers jusqu'au stock.

Cris. Stupeur. Xin et Maya se jettent sur nous.
Amba et Imogen les devancent de peu. Ca m'étonne. On doit vraiment être dans un sale état pour attirer l'intérêt de l'adolescente.

Je peux pas transplaner avec tout le monde, leur dis-je. Ce n'est pas un drame. Il y a toujours un plan de secours. Je ne sors jamais sans filet.
Je laisse rouler les morceaux de ma baguette à côté de moi. Un par un… jusqu'à l'aérodrome. Peux pas mieux, désolé.

Elles jurent que ça va. Mais Amba n'est pas de cet avis. On entend les sirènes. Le temps presse.
Amba a une idée:

Tous ensemble ou rien.

C'est dans une caisse en bois estampillée 'BGK - Clothing' que nous faisons le voyage jusqu'au petit aérodrome désertique. Dans une camionnette volée. C'est le métier d'Amba: voleur. Là, un allié, le pilote, nous attend impatient. Il allait partir, se plaint-il. Amba aide Lucy à sortir de la caisse en bois, la garde dans ses bras cependant qu'il en fait le tour pour se poster face au pilote auquel il décoche un regard haineux. Je souris et je devrais pas, ça me fait mal aux côtes. Xin me tient la main, Imogen m'aide à sortir.

Pas possible, là… ça fait trop de monde. On m'a dit deux colis, fait-il un ton plus bas.
Maya lui dit qu'elle ne part pas.
Les 'deux colis' c'est vous, dis-je à Imogen et Amba. Je dois retourner là-bas avec la petite. Je ne peux pas la laisser sans surveillance… et je dois ramener Lucy.
Amba fuse. Il plaque le pilote contre l'avion:
Quatre personnes! Hurle-t-il comme s'il ne m'avait pas écouté.
Le pilote s'obstine. Amba a un caractère fougueux. Il négocie jusqu'à obtenir les quatre places.
Très bien, dis-je en souriant en me tournant vers Maya et Xin: vous grimpez toutes les deux. Je vous retrouve à Heathrow dans dix heures.
Xin ne veut pas mais Maya, au bord des larmes, nous remercie.
A dans dix heures.

Vingt minutes plus tard, le petit cessna s'envole. Je me tourne vers Lucy.

C'est encore le matin, souris-je, j'ai le droit de te voir toute nue?

Pas d'heure et pas d'état pour faire le con.
Pas de réponse, néanmoins. Elle tombe dans les bras de Morphée… ou plutôt de Sacha.

Un dernier transplanage pour nous mettre à l'abri.
Nous avons dix heures pour nous remettre d'aplombs.

Une bicoque délabrée sur le bord de la route de l'aérodrome nous fait de l'œil. Eau courante mais pas d'électricité. Des murs qui n'ont de 'mur' que les trois lettres qui les composent.

Les dix heures suivantes sont classées top secret. Un serment McEwan-De Lansley dit qu'on ne reparlera jamais plus de ça jusqu'au jour de nos morts. Comme nous sommes partis dans la vie, ce jour arrivera bientôt.

A Heathrow. Epilogue.

Xin et Maya vivent toutes les deux dans un endroit gardé secret.
Amba me tanne depuis deux mois pour que je lui arrange un rendez-vous avec Etc-Mcwan.
'Je ne suis pas ta copine, Amba. Invite la tout seul.'
Imogen est retournée à Poudlard mais la jeune fille est très surveillée par son père.
Esadora, sa mère, et aussi une des têtes pensantes de la Résistante, aura fini par nous avouer le secret du 'premier colis'. Il se peut qu'Imogen soit la fille d'Antarès.
McEwan fait officiellement partie de la Résistance. Je lui permets de prendre ses services accompagnée de son oiseau.

Et le 'deuxième colis'? Pourquoi Amba?

Ca, c'est une autre histoire.

HJ: Désolé, concis. Pas très développé. Je pensais que j'avais des idées. J'en avais. C'est de temps dont je manquais... et je ne pouvais pas te faire attendre plus longtemps.

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